Accueil / Culture / Film
Film

Vortex

image bandeau
Communiqué
8 avril 2022
Taille du texte
Partager sur

Ce film est présenté comme centré sur la maladie d'Alzheimer, et c'est vrai que Françoise Lebrun – fabuleuse – nous fait vivre quasiment de l'intérieur cette perte de repères, ces oublis, cet isolement dans un monde "autre" et tout ce qui induit ensuite l'isolement par rapport à son mari et son fils.

Mais c'est aussi le portrait d'un homme, son époux, qui a gardé tout son potentiel intellectuel, critique de cinéma qui écrit un livre « Le cinéma et le rêve » et reste dans son bureau avec sa machine à écrire à ruban, des papiers et des notes éparpillées partout, des livres jusqu'au plafond. Evidemment ce thème n'est pas choisi au hasard par les rédacteurs du scénario.
Le réalisateur offre une structure de l'écran séparé en deux parties, tout au long du film, ce qui lui permet d'observer et nous laisser observer les personnages en même temps. C'est un procédé cinématographique, mais aussi une façon de mettre en lumière la césure, l'absence de communication totale entre les deux époux.

Après avoir visionné le clip original de Françoise Hardy, noir et blanc, de « Mon amie la rose », le couple prend l’apéritif sur la petite terrasse « A la vie, qui est un rêve dans un rêve ».
Mais très vite, tout bascule. Il n'y a plus beaucoup de communication dans ce couple très âgé, en premier parce que la maladie d’Alzheimer emporte les capacités de lucidité de madame, mais de l'autre côté l'enfermement de son époux (ancien ou induit et aggravé par cette maladie ?) dans son monde et dans son œuvre critique le maintient à distance de soucis du quotidien qui paraîtraient évidents.

La remarque « que de désordre, il faut que je range tout le temps » de madame est en décalage total avec l'accumulation de papiers dans tous les coins acceptée par monsieur. Et madame va ranger, à sa façon.
Quand leur fils – Alex Lutz, toujours aussi remarquable – lui dit « fais attention aux médicaments, ne les mélange pas », il ne fera rien, les médicaments resteront accessibles, tous en tas sur une table, l'armoire à pharmacie est ouverte et bourrée de boites de cachets, accessibles aussi. De même, madame peut ouvrir le gaz à volonté, trifouiller partout dans la maison. Monsieur est aussi dans son monde, incapable de réfléchir à un ajustement des conditions de vie pour sécuriser les actes de madame.

Respect de leur autonomie de leur liberté d'aller et venir qui était probablement leur manière d'être (madame était psychiatre), mais peut-être aussi déni total des dangers qui guettent une dame qui a perdu la tête. Refus aussi de tout changement, quand le fils leur propose d'aller dans une résidence très bien : « non, nous avons toujours vécu là », ce qui se comprend parfaitement, mais supposerait quelques aménagements que l'époux ne fait même pas mine d'envisager (enfin si « J'ai des listes de gens qui ... »). De même, ce huis clos, sans aucun intervenant extérieur aidant, est étonnant et signifiant.

Leur fils trentenaire, qui a un gamin de 5 ans à charge, séparé de sa compagne, assume difficilement le rôle de soutien et protecteur, sortant lui-même d'hôpital psychiatrique pour désintoxication et encore sous traitement de substitution. Il tente des actions très logiques, mais se heurte à ce couple qui, chacun pour ses raisons – ou sa déraison – ne peut entrer dans une logique différente de ce qu'il a toujours vécu.
On est captivé, dans une grande tension tout au long de ce film. C’est un film dur, tellement vrai grâce aux acteurs plus qu'excellents et à une observation subtile de réalités vécues.

CB
 
En salle le 13 avril 2022 / 2h22 / Drame
De Gaspar Noé
Avec Françoise Lebrun, Dario Argento, Alex Lutz