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La voyageuse de nuit - Laure Adler

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Communiqué
27 octobre 2020
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Jubilation de vérifier la « source de bonheur » que peut être la vieillesse, exemples à l’appui, et colère de constater le rejet et la ségrégation pratiqués par notre époque et notre pays.

Laure Adler a mené pendant six ans une enquête sur ce tabou qu’est la vieillesse, avec une grande justesse, mais aussi sans concession.

Ses interrogations commencent et ne cessent de porter sur elle-même, en même temps qu’elle questionne par leurs écrits des philosophes et écrivains du passé et qu’elle interroge des personnalités du temps présent ; sa référence pour ce travail étant Simone de Beauvoir.

Elle explore et nous fait découvrir le sentiment de l’âge, l’expérience de l’âge et la vision de l’âge.

Pour Marcel Proust, dans « Le temps retrouvé », l’âge « est un sentiment, et non une réalité ». Comment se déclenche cette perception ? Dans les yeux des autres ? La première fois qu’on vous cède une place dans les transports ? En se découvrant brusquement dans un miroir ? Par une date anniversaire ?

Est-ce que ce sont les autres qui nous décrètent vieux, ou nous-mêmes qui décidons que nous le sommes devenus ? Chateaubriand, à vingt-sept ans, « voyait s’éloigner définitivement sa jeunesse ».

Mais George Sand, Voltaire, Verdi et, plus près de nous, Agnès Varda, Nathalie Sarraute, Marguerite Duras, Stéphane Hessel, Edgar Morin… nous montrent que la vieillesse, grâce à un certain détachement, donne une sérénité et une liberté qui sont une porte ouverte à de nouvelles capacités, un recentrement autour de ce qui importe, une période d’accomplissement. Tout en continuant d’être soi… L’âge peut donner de la force, mais aussi du talent, comme l’ont prouvé Le Titien, Poussin, Monet ou encore Matisse.

Mais alors que des civilisations, des époques ou des sociétés ont donné un statut à la vieillesse en honorant la sagesse, dans notre société actuelle, l’équilibre entre savoir et âge est rompu, et de phénomène évolutif, la vieillesse devient un phénomène dégénératif. La vieillesse est marginalisée et inutilisée parce que jugée inutilisable.

Et surtout, la vieillesse est une construction sociale en ce qui concerne les femmes. Les vieilles femmes sont déconsidérées, au cours de l’histoire et de nos jours.

Mais le véritable scandale actuel est celui de l’infantilisation des personnes âgées, une exclusion dans les Ehpad ; le Défenseur des Droits a reçu de nombreuses plaintes fondées sur l’âge comme discrimination ; c’est surtout en France que dans les Ehpad le droit à une vie sexuelle est le plus souvent refusé, bien que l’on note quelques progrès ; et l’épidémie de Covid-19 a bien montré cette discrimination.

Laure Adler termine son livre en disant qu’elle n’a pas envie de le terminer ; que, « par définition, il est interminable » et que « c’est à chaque lecteur, à chaque lectrice, de le terminer à sa façon ». Elle ajoute qu’elle pensait « faire un livre intellectuel, puis elle s’est rendu compte qu’il s’agissait d’un combat de société et d’un combat avec soi-même ».

Elle a réussi, en tout cas, à motiver le lecteur qui a tout à fait envie de continuer ce combat.

Et il se pose alors deux questions :

    - que signifie ce titre, « La voyageuse de nuit » ? L’auteur nous donne la réponse avec Chateaubriand : « La vieillesse est une voyageuse de nuit, la terre lui est cachée, elle ne découvre plus que le ciel. »
    - et si le Psaume 90 avait raison, et que l’on renaît après soixante dix ans ?

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Edition Grasset