L’Ultime demande - Martine Lombard

« Le livre vaut-il le glaive ? La discussion vaut-elle l’action ? » fait se demander Balzac dans La Peau de Chagrin au savant qui échange avec le carliste. Ce dernier s’écrit alors que « l’intelligence a tout tué » et lui rétorque que « la liberté absolue mène les sociétés au suicide ».

À n’en pas douter, le livre de Martine Lombard est un puissant glaive d’intelligence tant pour l’honnête citoyen qui souhaite y voir plus clair sur le débat de la fin de vie que pour le militant du droit de mourir dans la dignité. Comme l’écrivait le même Balzac, « la puissance ne consiste pas à frapper fort ou frapper souvent, mais à frapper juste ». Et c’est précisément ce que fait cet ouvrage, il frappe juste et les discussions que sa lecture susciteront seront autant d’actions qui concourront à épauler au mieux le législateur pour reconnaître enfin ce droit.

Connue pour ses travaux en droit des libertés, en droit administratif et en droit public économique, Martine Lombard signe-là un livre qui ravira tout autant les juristes que les néophytes sur la question de la fin de vie en France et du débat qui s’ouvre sur « l’ultime demande ». Les militants des deux rives devraient sans difficulté y trouver de quoi nourrir leurs réflexions. Pour celles et ceux qui souhaitent une loi de liberté – dont l’auteur de ces lignes fait évidemment partie – il fera date dans l’histoire de notre combat laïque et se trouve être un ouvrage particulièrement précieux.

Un ouvrage précieux d’abord, dans cette toute nouvelle séquence de débats qui s’ouvrent sur la question de la fin de vie en France. Nuancé, précis, rigoureux et agréable à lire, il doit pouvoir être parcouru attentivement par les personnes qui participeront à la Convention citoyenne sur le sujet tout autant que par les parlementaires des deux Chambres qui devront sans nul doute, dans un futur proche, se pencher une énième fois sur la question. Chaque étude, chaque chiffre, chaque assertion est étayé et rigoureusement sourcé, notamment dans les notes de fin d’ouvrage. L’autrice y évite les effets de manche et d’estrade malhonnêtes qui font sans nul doute frissonner le chaland mais qui ne font qu’ajouter du sel sur les passions qu’un tel sujet suscite. C’est en ce sens qu’il est un plaidoyer aussi honnête qu’il est implacable. Implacable pour ceux dont les arguments s’arrêtent bien souvent à une absence réelle de réflexion et de connaissance précise du sujet. Plus implacable encore pour ceux qui, plus pernicieux, arriment une argumentation jésuitique sur des rapports et des études d’apparence sérieuses et neutres, pourtant frappés du vice de la malhonnêteté car réalisés par des associations militantes, faux-nez d’institutions religieuses.

Un ouvrage précieux ensuite, tant il y a peu, en réalité, de réelles et sérieuses contributions avec un prisme juridique, qui se présentent en même temps sous la forme d’un ouvrage grand-public. Mais plus encore qu’une contribution juridique et grand-public, il est surtout un véritable « livre-outil » pour tout individu qui, de bonne foi, souhaiterait se faire son propre avis, comprendre les enjeux qui entourent ce débat de société dont personne ne peut valablement nier l’importance. Facile d’utilisation, il est facile de bondir d’un point précis du débat à un autre selon les questions spécifiques que l’on se pose. Il en va de la pertinence des titres des différents paragraphes qui s’articulent d’ailleurs selon une logique aussi limpide que celle de la succession des six chapitres.

Un ouvrage précieux enfin, car finalement en peu de pages (108), Martine Lombard a su tout à la fois vulgariser et synthétiser les éléments les plus techniques qui entourent la question et les profondes et passionnantes réflexions éthiques, philosophiques et juridiques qu’un tel débat pose à notre société. L’exercice, loin d’être aisé, est ici parfaitement réalisé et différents niveaux de lecture sont offerts aux lecteurs les plus divers qui seraient inspirés de mettre la main dessus.

Vous l’avez compris, le lecteur est conquis par l’alliage subtil qui fait se côtoyer dans ce livre la meilleure des pédagogies avec l’humble et efficace plaidoyer d’une professeure émérite de droit public qui n’a rien perdu ni de son talent pour expliquer et apporter des réponses à un problème complexe, ni du pragmatisme qui accompagne la praticienne du droit.

PJ

Publié en novembre 2022
Editions Liana Levi