A prendre ou à laisser - Lionel Shriver

Dans ce livre dense, Lionel Shriver nous entraine vers un questionnement existentiel où les personnages se heurtent sans cesse à un mur de contradictions. Kay et Cyril, elle, ancienne infirmière reconvertie dans la décoration par passion, lui médecin puis écrivain par militantisme en toile de fond du Brexit : oseront-ils le geste ultime en fin de vie ? N’est-ce finalement qu’une histoire d’amour qui finit mal ? La réalité va-t-elle se fracasser contre les ailes d’un espoir vain ?

Nous comprenons que les réponses sont parfois fragiles, mouvantes…. Tic tac…. La petite boîte à savon est bien au frais dans le réfrigérateur ; à l’intérieur, la si précieuse pilule pour une sortie de piste afin d’éviter la misère d’un système de santé défaillant. Le destin se joue de nous dans ces douze possibilités de destinées où nous pourrons éventuellement découvrir notre propre vérité et notre propre chemin. Comment faire face au hasard et à l’incertitude ? Est-on vraiment libre dans nos choix ou sommes-nous poussés par les affres d’une existence contrainte ?

Faut-il passer un pacte commun pour décider qu’à 80 ans la vie doit s’arrêter avant qu’une maladie invalidante ne nous surprenne ? Alors même qu’à un âge avancé tout resterait peut-être encore possible… Que l’amour serait de nouveau conjugué au présent et que notre santé ne serait pas déclinante… On peut se projeter dans l’une des versions tout en vertige vers un futur où après une cryogénisation toute maladie aurait été vaincue avec des jours éternels qui nous attendraient. On découvre, par la suite, avec effroi, ce chapitre implacable où des enfants infligent aux protagonistes un placement d’office pour les soustraire à une fin précipitée. La parole, la volonté sont alors étouffées sous une chape de normalité familiale.

Nous sommes en permanence, à la lecture de cet ouvrage, confrontés à une vie d’hypothèses, de bonheurs véritables ou factices et aux échecs quand on nomme les choses. Nous sommes interpellés par ce qui fait le particularisme d’un couple. Qui décide et qui subit ? Qui ira jusqu’au bout d’un projet suicidaire et qui freinera le destin programmé ? Comment l’amour s’offre à la compréhension d’une double volonté pour organiser une finitude heureuse car choisie. L’auteure lance des pistes de réflexion, sans se décider et sans forcer l’esprit du lecteur.

Dans ces douze scénarios, certains schémas feront écho à nos préoccupations, à nos propres angoisses et interrogations. Comment faire face à son destin et choisir sa fin de vie en toute liberté sans fuite et sans la pression des conventions sociales.

NC

Editions Belfond