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Vivre avec l'ultime choix - Sandrine Thierrin

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Communiqué
30 juin 2023
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Lorsque l’on achève en pleurant l’ouvrage de Sandrine Thierrin, on se dit qu’elle, sa famille, et surtout sa maman ont eu bien de la chance de vivre en Suisse, pays voisin du nôtre et pourtant si différent. Les Helvètes ont compris depuis longtemps que notre mort, comme notre vie, nous appartient. Depuis 1942 exactement !! Plus précis que suicide-assisté, le terme utilisé par l’auteure convient mieux à la réalité : auto-délivrance. Oui dans ce pays qui fait confiance à ses citoyens pour bien des décisions, on donne à celui qui le veut vraiment, la possibilité d’en finir avec trop de souffrances. Ces souffrances dont traite le livre : celles d’une femme atteinte d’un cancer ; elle est mère, grand-mère, mais aussi fille d’une arrière-grand-mère qui, au crépuscule de sa vie, doit voir sa propre fille s’éteindre avant elle. Une situation que de nombreuses familles côtoient, mais qui, lorsqu’elles sont directement concernées, souffrent comme si elles étaient les premières à ressentir l’immense douleur d’accompagner un être cher jusqu’au bout.

Le style d’écriture de Sandrine Thierrin est agréable, le texte est très difficile. Surtout si l’on a vécu quasiment le même périple de douleur que vit une fille devant la souffrance de sa mère. On reconnaît le choc de l’annonce fatale, les pauvres espoirs qui nourrissent encore quelques mois de plus, l’envie d’aborder tant de questions et le besoin d’agir comme si l’issue fatale ne se rapprochait pas de jour en jour. On revit la fatigue, l’éloignement du monde extérieur, le, ou plutôt les questionnements qui tournent en boucle. Et cette famille décidément a eu beaucoup de chance, elle, elle a rencontré un professeur d’oncologie humain ! Surtout, il y a cette décision à prendre, l’ultime, celle qui délivrera la malade, mais pèsera à jamais sur sa fille (là aussi, coup de chance, les deux sœurs sont soudées, ce qui n’est pas toujours le cas, loin s’en faut). C’est pour extérioriser tout cela, et pour laisser un témoignage aux plus jeunes générations, que l’auteure a écrit 62 pages bouleversantes.

Toutefois, ce livre amène à se poser la question sur les limites du système Suisse. Il impose deux critères très précis : le malade doit être conscient et faire lui-même le geste d’absorption ou d’injection. Mais alors ? Quid des autres ? De ceux qui en toute conscience ont fait le choix de la délivrance anticipée en cas de maladie incurable, mais ont entre temps perdu leur autonomie ou leur mémoire ? Paralysé par un accident, pétrifié par un AVC, comment peuvent-ils avoir gain de cause ? C’est cette liberté de choix réfléchie – et son respect grâce à la reconnaissance juridique des directives anticipées – que nous devons absolument obtenir en France.
A.  C-M

Paru en décembre 2022
Le Lys Bleu Edition – 12 €