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Fin de vie : le contrôle à priori d’une demande d’aide active à mourir, une fausse bonne idée

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Publié le
17 avril 2023
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La Convention citoyenne, dans son rapport remis au président de la République le lundi 3 avril 2023, plaide pour un « contrôle à priori » de l’acte d’aide active à mourir par une commission. L’intention est louable, puisqu’elle permettra de valider la légitimité de la demande du patient, et de vérifier la conformité à la loi de la réponse qui sera faite au patient. Elle permettra aussi de répondre aux craintes – et surtout au fantasmes – de ceux qui pensent qu’une loi de légalisation de l’euthanasie permettra de se débarrasser de tous les malades et de toutes les personnes âgées.

Mais voilà. Chacun le sait, l’enfer est pavé de bonnes intentions.

En Espagne, l’un des rares pays où un tel contrôle préalable est exercé en matière d’aide active à mourir, la procédure présente beaucoup (trop) d’inconvénients pour les patients en fin de vie.
Les commissions (régionales) de garantie et d’évaluation, composées d’au moins sept personnes (des soignants, des juristes…), sont saisies une trentaine de jours après la première demande d’aide active à mourir formulée par un patient en fin de vie. Ce délai d’un mois correspond au délai incompressible de réflexion, de réitération, de validation, de délibération et de vérification de la demande, dans le cadre de la relation initiale entre le patient et son médecin traitant et le second médecin appelé en collaboration. Les commissions ont alors sept jours pour rendre sa décision.

La loi espagnole, votée en 2021, impose un délai de trente-cinq jours entre la première demande et l’acte lui-même. Mais à cause des procédures du contrôle préalable, ce délai est en réalité, en moyenne, de cinquante-quatre jours, soit vingt jours de plus que le délai légal. Près de trois semaines d’attente en plus ! Pour une personne qui souffre, c’est une éternité.

L’effet constaté de cette lenteur de la procédure espagnole est qu’un tiers des personnes qui demandent à bénéficier d’une aide active à mourir meurent avant l’aboutissement même de la procédure. Et alors qu’en Belgique, plus de 60 % des euthanasies concernent des personnes atteintes de cancer, en Espagne, seules 29 % des euthanasies pratiquées concernent des cancéreux. Beaucoup décèdent avant le terme de l’instruction de leur dossier. En revanche, en Espagne, 53 % des euthanasies concernent des personnes atteintes de maladies neurologiques – des maladies à évolution lente, voire très lente – contre 7 à 8 % en Belgique.

Alors, s’il est important qu’un cadre très strict soit mis en œuvre dans l’application de la future loi de légalisation de l’aide active à mourir, il ne faut pas qu’il soit un obstacle, un parcours du combattant, pour la personne en fin de vie qui demande à être aidée parce qu’elle souffre trop et que rien n’arrive à l’apaiser. Le modèle à la Française que souhaite le président de la République se transformerait alors en une bureaucratie inhumaine.

Philippe Lohéac
Délégué général de l’ADMD

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