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Fin de vie : le patient, un citoyen comme les autres ?

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Publié le
13 novembre 2022
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Certes, le patient – du latin patiens – désigne celui qui souffre. Le patient est donc la personne qui consulte un médecin pour tenter de guérir une souffrance qu’elle ressent.
Peut-être parce que le mot patient nous renvoie à la patience, il y a, dans l’imaginaire commun, quelque chose qui relève de la passivité dans ce mot. Le patient est vu comme celui qui fait l’objet d’investigations de la part de sachants et qui, finalement, n’a pas trop son mot à dire.

Il y a sans doute un peu de vrai dans cet imaginaire populaire, puisque le législateur a cru utile de formaliser les droits du patient par la loi du 31 juillet 1991 portant réforme hospitalière, puis de les renforcer par la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé. Cette loi faisait suite aux premiers Etats généraux du cancer et de la santé, en novembre 1998, durant lesquels est apparu le terme de démocratie sanitaire, décliné ensuite de manière législative par le ministre Bernard Kouchner.

Le patient devait alors sortir de sa passivité – en partie imposée par le corps médical – pour devenir acteur de son propre parcours de soins.
Malheureusement – et on le voit notamment avec la place accordée, par la loi du 2 février 2016 créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie, aux directives anticipées qui ne sont toujours pas opposables – cet acteur de la démocratie sanitaire n’a toujours pas le dernier mot. On l’entend, on peut même parfois l’écouter, mais s’il est trop âgé ou trop malade, il est infantilisé et sa parole est dévalorisée : « Il ne sait pas ce qu’il dit. » Ou bien : « Il dit cela mais il ne sait pas vraiment ce qu’il veut. ». Ou encore : « Il dit cela pour faire plaisir à sa famille. »

En matière de fin de vie, il est effarant – choquant, souvent – d’entendre des soignants argumenter pour justifier leur surdité à l’égard de demandes d’aide active à mourir formulées par des personnes en fin de vie. C’est le cas de certains gérontologues qui affirment mieux connaître les personnes âgées que ces dernières ne se connaissent elles-mêmes. C’est le cas de certains palliativistes qui affirment sans sourciller – et à rebours des enquêtes médicales réalisées, y compris par certains de leurs confrères – que dès lors que les soins palliatifs sont bien menés, les demandes d’euthanasie disparaissent. C’est tout aussi choquant d’apprendre par une étude de l’Institut national des études démographiques (Ined) que 0,2% des décès annuels, en France, sont le fait de l’administration d’un médicament létal sans demande du patient lui-même. Nous avons là des exemples du fameux paternalisme médical : l’un qui consiste à refuser d’accéder à la demande légitime d’une personne en fin de vie et l’autre qui consiste à assassiner des personnes (c’est la qualification adéquate en droit, c’est-à-dire celle correspondant à un meurtre avec préméditation) ; mais après tout, Jean Leonetti, chantre des droits des personnes malades, n’a-t-il pas avoué avoir débranché des respirateurs pour libérer des lits ?

Nul ne devrait oublier, quelle que soit sa fonction dans les services de santé, que le patient reste avant tout un citoyen. Et qu’un citoyen doit être respecté dans ses décisions et dans ses choix, même s’il est devenu incapable de se mouvoir, même s’il ne peut plus s’exprimer mais qu’il a préalablement rédigé des directives anticipées ou désigné des personnes de confiance.

Nul ne doit substituer sa parole à celle d’un autre, qu’il soit âgé, malade, en fin de vie. Le faire, c’est ajouter de l’irrespect à la souffrance. C’est infantiliser une personne qui s’est peut-être rêvée libre et que l’on emprisonne. C’est cela, la véritable indignité en fin de vie : être considéré comme une chose, manipulable et influençable, et non plus comme un être à part entière.

L’actrice Maïa Simon, atteinte d’un cancer généralisé incurable, partie en Suisse bénéficier d’un suicide assisté en septembre 2007, témoignait quelques heures avant sa mort : « A partir du moment où moi je n’ai plus la liberté d’aller caracoler à l’extérieur, de prendre le train, de prendre l’avion, de partir, je m’étiole comme un oiseau qu’on maintient dans une cage. Même s’il siffle, il n’est pas heureux. […] Donc au lieu d’attendre la mort d’une manière passive, j’organise mon dernier voyage avec ma famille et mes amis. »

Le professeur Didier Sicard, dans un rapport remis en décembre 2012 au président de la République François Hollande, évoquait la surdité d’une partie du corps médical. Dix ans après ce constat partagé par tous, il serait enfin temps d’entendre celui qui, patient, reste avant tout un citoyen, maître de sa destinée.

Il est inadmissible aujourd’hui, au nom de convictions personnelles, qu’un soignant refuse la demande d’une personne en fin de vie qui souhaite bénéficier d’une aide active à mourir, et au motif que, « non, vraiment, elle ne sait plus ce qu’elle raconte, la pauvre… ».

La démocratie sanitaire, c’est placer la parole du citoyen au centre de son parcours de soins et de son parcours de fin de vie. Tout au plus, le soignant peut-il refuser de participer à un acte contraire à ses convictions personnelles ; mais en aucun cas il n’a le droit de s’y opposer.

En 2022, 94% des Français demandent la légalisation de l’aide active à mourir. Les soignants doivent collectivement faire preuve de plus d’humanité, doivent entendre et respecter les personnes dont la vie n’est plus que de la survie et doivent soutenir la légalisation de l’aide active à mourir comme un droit fondamental à disposer de soi-même.

PhL

[Tribune publiée sur le site du Huffpost le 10 novembre 2022]

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