Affaire Lambert : la France n’est « pas tenue » par l’avis du comité de l’ONU - Le Monde
Le Comité international des droits des personnes handicapées de l’ONU a demandé à la France de suspendre toute décision d’arrêt des soins.
Le Comité international des droits des personnes handicapées de l’ONU (CIDPH) a demandé à la France de suspendre toute décision d’arrêt des soins de Vincent Lambert, dans l’attente d’une instruction sur le fond, a-t-on appris samedi 4 mai auprès des avocats des parents. La ministre de la santé, Agnès Buzyn, a fait savoir dimanche que le gouvernement français répondrait à la demande du comité de l’ONU, mais que la France n’était pas tenue légalement de la respecter.
Cette annonce intervient quatre jours après que la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) avait, elle, ouvert la voie à l’arrêt des soins de Vincent Lambert, hospitalisé à Reims dans un état végétatif depuis dix ans, en rejetant la demande de suspension d’une décision du Conseil d’Etat.
Six mois
« Aujourd’hui, juridiquement parlant, tous les recours » dans cette affaire « sont arrivés au bout, et toutes les instances juridictionnelles, qu’elles soient nationales ou européennes, confirment le fait que l’équipe médicale en charge de ce dossier est en droit d’arrêter les soins » de Vincent Lambert, a rappelé la ministre, sur la chaîne d’info BFM-TV.
« Les parents de Vincent Lambert se sont retournés vers ce comité qui s’occupe des personnes handicapées, et non des personnes en état végétatif comme Vincent Lambert », et cet organisme a demandé de surseoir à un arrêt des soins « parce qu’ils n’ont que la version des parents », a-t-elle estimé. « Nous ne sommes pas tenus par ce comité légalement, mais bien entendu nous prenons en compte ce que dit l’ONU et nous allons leur répondre », a ajouté la ministre.
L’Etat français dispose de six mois pour fournir ses observations au comité. En attendant, ce dernier a demandé à la France de veiller à ce que l’alimentation et l’hydratation de Vincent Lambert ne soient pas suspendues, en vertu de la convention relative aux droits des personnes handicapées.
« C’est une grande satisfaction : enfin une instance spécialisée va pouvoir se prononcer sur le fond de l’affaire. Est-ce qu’il est normal qu’on tue une personne handicapée au motif qu’elle est handicapée ? (…) Est-ce qu’il est à sa place dans un service de soins palliatifs, enfermé à clé dans une chambre (…) ou est-ce que sa place est dans une unité spécialisée ? », a déclaré Me Jérôme Triomphe, l’un des avocats des parents, en réaction à l’annonce de l’ONU.
Une famille déchirée
Il a également dit son « grand soulagement », car « il y a depuis plus d’un an un acharnement judiciaire et médical à faire mourir Vincent ». Ancien infirmier psychiatrique de 42 ans, Vincent Lambert se trouve en état végétatif à la suite d’un accident de la route en 2008. Les décisions sur un arrêt des soins n’ont jamais été mises en œuvre, freinées par de multiples imbroglios et recours juridiques successifs.
L’affaire, devenue un symbole du débat sur la fin de vie en France, déchire sa famille depuis six ans : d’un côté, les parents, un demi-frère et une sœur s’opposent à l’arrêt des soins ; de l’autre, son épouse Rachel, son neveu François et cinq frères et sœurs du patient dénoncent un acharnement thérapeutique.
L’avocat de François Lambert, Me Gérard Chemla, a déploré une demande « épouvantable ». « Ce comité Théodule vient rejuger » une nouvelle fois cette affaire, « et au nom des droits de l’homme, bafoue les droits d’un homme qui souffre gratuitement depuis des années (…) ». « Je trouve insupportable qu’aujourd’hui, plus de dix ans après l’accident, on puisse encore en être là. (…) Il y a un moment où les choses doivent s’arrêter. »
François Lambert a, pour sa part, dénoncé « un simulacre ». Le comité « se fait de la publicité sur le dos de Vincent, il n’a aucune autorité, car il a juste le moyen de donner un avis. Sa position est indéfendable », a-t-il déploré. Cette annonce apparaît comme un nouveau rebondissement alors que la CEDH avait rejeté mardi la requête des parents qui contestaient la décision du Conseil d’Etat de suspendre les soins.
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