Droit à l'euthanasie : la psychanalyste Claude Halmos revient sur la nécessité de cette évolution - France Info
Pourquoi, à votre avis, le désir d’une telle loi peut-il émerger aujourd’hui ?
Je pense que cette émergence met en jeu aussi bien des facteurs individuels que des facteurs sociaux. Quels facteurs individuels ? Nous sommes à une époque où l’individualisme et le souci de soi sont particulièrement valorisés. Cette valorisation peut avoir des conséquences problématiques, notamment sur le plan politique, mais elle a aussi des conséquences positives, comme le désir qu’ont aujourd’hui les individus d’être respectés par les instances sociales. Ce qui est important pour tous, et particulièrement pour les malades en fin de vie.
Pourquoi respecter ce désir des malades en fin de vie ?
Parce qu’être gravement malade, c’est déjà ne plus pouvoir se sentir tout à fait libre et propriétaire de sa personne, puisque l’on est l’otage à la fois de sa maladie et des décisions médicales. Ce qui est toujours très violent. Mais quand le malade, parce qu’il souffre tellement que sa vie - qui n’est plus qu’une torture - n’a plus de sens pour lui, en arrive au point de demander qu’on l’aide à mourir et qu’il se voit opposer l’interdiction de la loi, cette violence devient véritablement inhumaine. Et une grande partie de l’opinion n’est plus prête à le supporter. D’autant qu’il y a eu, à ce sujet, au fil des années, toute une évolution de la société.
Vous pouvez expliquer cette évolution ?
Le maintien de la vie à tout prix, même si le patient le refusait, a longtemps été considéré comme une règle absolue. En 2005, la loi Leonetti a introduit une première brèche dans ce système. Elle a proscrit l’acharnement thérapeutique et elle a permis au patient de refuser les soins, en faisant obligation au médecin d’essayer de le convaincre mais de respecter néanmoins sa décision finale.
En 2016 la loi Claeys-Leonetti a fait un pas de plus : elle impose toujours au médecin de respecter le refus de son patient. Mais elle ne l’oblige plus à essayer préalablement de le convaincre. Et, s’il réclame une sédation profonde jusqu’à la mort, elle lui interdit de la lui refuser.
Que proposent les 156 signataires de la tribune ?
Ils vont encore plus loin sur deux points. Si la loi qu’ils réclament était votée, le patient serait, cette fois, totalement décisionnaire quant à sa vie. Et il pourrait demander non plus seulement une sédation mais une aide active pour mourir. Si elle était votée, cette loi poserait donc que le patient, propriétaire de sa vie et de sa personne, doit l’être aussi de sa mort. Et ce serait un changement aussi considérable que justifié. Parce que quand la médecine est impuissante à vaincre une maladie qui vole, à un patient, sa vie, elle devrait avoir un dernier devoir à remplir envers ce patient : celui de lui rendre sa mort.