Fin de vie : «On attend une loi qui place la volonté de la personne au centre de la décision» - La Dépêche du Midi
Une anesthésiste qui s'accuse d'euthanasie, est-ce que cela témoigne de son désarroi ?
Pas forcément, plutôt de sa grande honnêteté, mais tout dans cette affaire doit être mis au conditionnel. Si elle l'a fait à la demande de l'autre personne, c'est un acte de compassion qui n'est pas permis en France, ce qui est scandaleux. On n'en fait peu de cas, mais savez-vous que dans les chiffres de l'étude qui a servi à établir la dernière loi Léonetti, on remarque qu'il y a en France parmi les décès 0,8 % qui ont reçu un produit létal, mais seulement 0,2 % qui l'ont demandé. Cela signifie que sur 580 000 décès par an environ, il y en a 1 200 qui sont aidés à leur demande, et merci à ces médecins et soignants courageux, mais il y a aussi 3 500 personnes qui sont aidées sans avoir rien demandé ! Il y a une dérive en France où on n'aide pas des gens qui le demandent et où on en aide d'autres qui n'ont rien demandé.
Dans ces derniers cas, ce sont les familles qui demandent ?
On se sait pas, car il n'y a pas le détail sur le sujet, ce n'est pas forcément les familles, ce peut être le médecin qui le fait par compassion. Un médecin a le droit d'avoir de la compassion, mais ce n'est pas à lui de décider : la fin de vie, c'est votre affaire à vous, en tant que citoyen ! Ce qu'on veut à l'ADMD, c'est que la personne l'ait demandé.
Et le point des vue des médecins ?
On les laisse seuls face à une décision difficile, et seuls face à la justice. Il faut cependant savoir que si la personne le fait à la demande du malade, personne n'a été condamné en France pour avoir aidé quelqu'un dans ce cas… Mais elle aura traversé des années de procédures judiciaires, parfois des interdictions du conseil de l'ordre.
Quel pouvoir a-t-on ?
Il y a des directives anticipées, vous pouvez écrire sur un papier «Si demain je me trouve dans un coma irréversible, je ne veux pas qu'on me réveille».
Des lois existent aussi, c'est la loi Léonetti…
Oui, mais il n'y a pas de loi qui place la volonté du malade au centre de la décision, ce sont des lois faites par des médecins pour des médecins, qui se protègent dans certains cas. Un médecin peut par exemple pratiquer le double effet, injecter de la morphine sachant que s'il augmente la dose, vous allez mourir… mais son intention était de soulager la douleur. Ce qu'on veut, c'est qu'on puisse nous laisser mourir comme on le souhaite : vivre jusqu'au bout si je le veux ou partir en quelques minutes, entourés des miens, si la souffrance m'est insupportable. La seule chose que permet la loi, c'est la sédation terminale, on vous endort, on arrête de vous alimenter. Si vous êtes très âgé, vous allez mourir en 24 heures, mais si vous êtes jeune avec un cœur en forme, ça prendra des semaines.
Le suicide assisté, comme en Suisse ?
Oui, ou l'euthanasie, comme elle se pratique dans plusieurs pays. Au Pays-Bas, où elle existe depuis une vingtaine d'années, c'est 4,5 % des morts, et il n'y a pas un parti politique qui demande qu'on y renonce. Aujourd'hui, d'après le dernier sondage Ifop publié par La Croix, 89 % des Français sont favorables à l'euthanasie et/ou à la légalisation du suicide assisté (ndlr, addition de ceux qui sont pour l'un, pour l'autre et pour les deux) et 11 % seulement sont satisfaits de la loi actuelle.
Est-ce un sujet pour un RIC, le référendum d'initiative citoyenne réclamé par les gilets jaunes ?
Bien sûr et j'y suis favorable, j'encourage les gens à écrire sur les cahiers de doléances et à aller dans les réunions, car c'est une question que les politiques ont toujours mal traitée. Dans ce moment citoyen, il est temps de dire qu'on meurt mal en France, et il faudrait que la ministre Agnès Buzin finisse par l'entendre.