Accueil / Actualités / Médias
Médias

Fin de vie. "Chacun doit disposer de son propre destin." - Midi Libre

image bandeau
Communiqué
30 novembre 2017
Taille du texte
Partager sur

ADMD

 

Vous avez déposé cet été une proposition de loi sur une aide médicale à mourir... comme en Belgique, aux Pays-Bas... ?

Ce n'est pas stricto sensu la même chose car on tire l'expérience de tous ces pays qui ont légiféré il y a une quinzaine d'années. L'idée est d'ouvrir un droit supplémentaire, comme en 1975, les femmes ont pu conquérir le droit à disposer de leur corps. C'est la proposition, pour chacun, d'un droit à disposer de son propre destin lorsqu'il est en fin de vie, dans une impasse thérapeutique. On parle là de maladies graves, incurables, au terme de leur évolution.

Parmi ces personnes, certaines sollicitent de ne pas subir une agonie qu'elles considèrent parfois indigne. Ce doit être sur la volonté de la personne éclairée sur les enjeux, capable de juger, elle ne doit pas être dans une phase de dépression, et elle doit réitérer cette demande.

Ces personnes partent aujourd'hui à l'étranger ?

Il y a les gens qui partent en Belgique, en Suisse, en Hollande... Mais il y a surtout des gens qui en France arrivent à obtenir la bienveillance, la compassion, la compréhension de médecins. Ceux-ci se mettent en danger car ils sont dans l'illégalité. Ce n'est pas rare : l'Institut national d'études démographiques a répertorié entre 2 000 et 4 000 cas de fin de vie ainsi organisés, chaque année, dans les hôpitaux français. Ce chiffre est sûrement sous-évalué.

La loi Leonetti prévoit d'éviter l'acharnement thérapeutique, ça ne suffit pas ?

C'est le problème. Si 4 000 personnes au moins recourent à un autre système en France, plus un certain nombre de personnes non répertoriées qui partent dans les pays étrangers, ça prouve bien que ça ne suffit pas. Certains y trouvent leur compte mais d'autres veulent mourir debout, sans subir. Je me suis occupé de malades du sida, au début de l'épidémie. L'agonie était prolongée, terrible, c'était des hommes jeunes...

Qu'avez-vous fait ?

J'ai envoyé un de mes assistants voir ce qui se passait alors en Suisse. Il m'a dit que des doses très fortes de médicaments étaient administrées à ces malades, je me suis inquiété qu'elles puissent précipiter le décès. Il m'a dit “et alors” ? J'ai compris. Mais ce n'est pas la bonne solution car la morphine calme les douleurs, mais elle n'enlève pas les souffrances psychiques. Il y a des moyens plus sereins, plus efficaces de hâter la mort.

Vous ne parlez jamais d'euthanasie, pourquoi ?

L'euthanasie, étymologiquement, est une mort douce. Je n'utilise pas ce terme car il ne met pas en avant la volonté première de la personne.

Vous voulez replacer le malade au centre de la décision...

L'appréciation du médecin a pu être vue comme un abus de pouvoir. Le médecin apporte la connaissance, c'est lui qui doit éclairer le malade qui décide, et cette décision est en partie philosophique.

Les équipes de soins palliatifs disent que très peu de patients demandent à mourir. Est-ce qu'il ne faut pas d'abord améliorer le réseau de soins palliatifs ?

Les deux vont ensemble, il y a effectivement un problème d'accès aux soins palliatifs, pas plus de la moitié des personnes concernées y ont accès. Les gens doivent avoir le choix. En soins palliatifs, un petit pourcentage voudra mourir. En Belgique, par exemple, c'est 1,8 %.

Il n'y a pas de risque de dérives ?

Plus une chose est cachée, plus il y a un risque de dérives. La meilleure façon d'éviter les dérives, c'est d'être transparent, que chaque cas soit l'objet d'un rapport, qu'il y ait un bilan. Je reprends l'exemple de l'IVG : quand elle a été introduite, elle n'a pas augmenté le nombre d'avortements. Il n'y a pas eu de dérives.

Votre proposition de loi reprend presque mot pour mot les promesses du candidat Hollande, Emmanuel Macron a dit qu'il ne se précipiterait pas pour légiférer... Vous avez une chance d'aboutir ?

J'étais le référent santé d'Emmanuel Macron pendant la campagne présidentielle, il veut ouvrir le débat dans un esprit serein.

On peut être serein ?

Oui, les sondages de l'Ifop ont montré que 96 % des Français sont favorables à laisser le choix sur la fin de vie, même si tous ne feraient pas ce choix.

Quel sera le cheminement de votre proposition de loi ?

Plus d'une centaine de députés la soutiennent déjà. Elle sera discutée en 2018 dans le cadre de la révision des lois de bioéthique, à l'intérieur ou à part.

Si 96 % des Français y sont favorables, les représentants du peuple devraient y être majoritaires, si le jeu politicien ne change pas la donne. On peut l'attendre de la nouvelle génération de députés.

Le site du Midi Libre