Tout en posant des conditions strictes, l’institution estime, dans un avis publié mercredi 12 juillet, qu’il serait inhumain de ne pas répondre à la « désespérance » de certains malades souhaitant abréger leurs souffrances, à rebours de ses positions passées sur le sujet.
Non à « l’euthanasie », oui à l’« assistance au suicide ». L’Académie nationale de médecine se prononce, dans un avis rendu public mercredi 12 juillet, pour l’inscription dans la loi d’une forme très précise d’aide active à mourir. Autant elle préconise le droit à « l’assistance au suicide consistant à mettre un produit létal à disposition d’une personne qui le demande et se l’autoadministre », autant elle récuse « l’euthanasie consistant en l’administration par un tiers d’un produit létal à une personne qui en fait la demande ».
L’avis de l’institution de la rue Bonaparte tombe à pic pour le gouvernement, qui prépare un projet de loi sur la fin de vie promis par Emmanuel Macron d’« ici à la fin de l’été ». A rebours de ses positions passées sur le sujet, dont la dernière date de juin 2021, l’Académie apporte une caution médicale à l’ambition de l’exécutif d’instaurer un droit à l’aide active à mourir. Un gage précieux alors qu’il est en butte à l’hostilité de plus d’une douzaine de sociétés savantes et d’organisations de professionnels de santé. Celles-ci mènent campagne, au sein d’un collectif informel, pour que la future loi n’impose pas aux soignants d’accomplir le geste ou de prescrire un produit létal, quand bien même la demande d’un patient répondrait aux critères de la loi. Ces soignants proclament que « donner la mort n’est pas un soin », selon la formule de l’Association française d’accompagnement et de soins palliatifs.
Le 28 juin, Agnès Firmin Le Bodo, qui venait de découvrir l’avis non publié de l’Académie, s’en était par avance réjouie : « La réflexion menée par l’Académie nationale de médecine ne constitue en rien un renoncement, une rupture, avait alors relevé la ministre déléguée chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé, en conclusion des assises nationales de l’Association pour le droit à mourir dans la dignité, à la Sorbonne. Mais, bien au contraire, elle propose une voie d’accompagnement pour que toutes les vulnérabilités soient précisément considérées. C’est là l’expression d’un cheminement éthique que je veux particulièrement saluer. »
« Tâche difficile mais raisonnable »
L’Académie part du constat qu’il serait « inhumain, lorsque le pronostic vital est engagé non à court mais à moyen terme, de ne pas répondre à la désespérance de personnes qui demandent les moyens d’abréger les souffrances qu’elles subissent du fait d’une maladie grave et incurable ». Elle en déduit « que viser à aider à mourir le moins mal possible ceux qui ne peuvent l’être par le champ de la loi actuelle est une tâche difficile mais raisonnable par l’incorporation prudente et encadrée d’un nouveau droit ».
Pour autant, dit-elle, ce droit ne peut être l’euthanasie, qui « transgresse le serment d’Hippocrate, qui dit “Je ne provoquerai jamais la mort” ». La « dépénalisation » de l’euthanasie, ajoute l’avis, « risque de brouiller les repères » des professionnels de santé, de dissuader les vocations et d’« aviver la crise actuelle du manque de soignants dans les secteurs du sanitaire et du médico-social et, plus encore, dans les soins palliatifs ».