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"On meurt mal en France", le cri d'un médecin belge - L'Express

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Publié le
11 septembre 2018
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Pour joindre le docteur Yves de Locht depuis l'Hexagone, mieux vaut s'armer de patience. Ce généraliste belge rejette désormais tous les appels avec un indicatif français, dès lors qu'ils lui sont inconnus. "Ça devient dérangeant... On est sollicités tous les jours par des Français qui souhaitent ouvrir un dossier", se justifie cet homme de 72 ans à la voix posée.

Un dossier, pour avoir le droit de mourir légalement hors des frontières hexagonales. Car si Yves de Locht est assailli d'appels, c'est qu'il est devenu en quelques années, pour des dizaines de Français aux lourdes pathologies, celui qui peut, d'après eux, raccourcir leur horizon de souffrances.  

Au nom de ce Wallon est désormais associé le terme d'euthanasie, "le geste le plus difficile à pratiquer pour un médecin". Un mot, dont il sait l'emploi souvent tabou en France, mais dans lequel il préfère voir un sens noble. "Euthanasie vient du grec et signifie 'Belle mort'". 

Maladie de Charcot, ou cancers

Le docteur de Locht, qui refuse de se poser en militant politique, vient pourtant de signer un livre aux accents de manifeste, à paraître jeudi, et dans lequel il rapporte plusieurs histoires de patients français ayant eu recours à ses services. Actuellement, l'euthanasie est interdite en France et assimilée à un homicide volontaire pour le tiers qui la pratiquerait.  

"Je ne veux pas interpeller les autorités de l'Hexagone, seulement rétablir une certaine réalité. En espérant que peut-être un jour, il y ait une loi qui permette aux Français de ne plus quitter leur pays pour mourir", explique le médecin. Le titre de son livre, Docteur, rendez-moi ma liberté (Ed. Michel Lafon), est d'ailleurs issu d'une lettre écrite par une femme atteinte de la maladie de Charcot, qui lui réclamait le droit à la mort anticipée.

Avant cette patiente, il y a eu Michel, Lucette, André, Daniel, Cathy ou encore Benoît. Des noms d'emprunt égrainés dans l'ouvrage, décrivant des Français en extrême souffrance, qui ont traversé la frontière pour être accompagnés vers la mort.  

"Les patients qui me marquent le plus sont ceux atteints de graves maladies, comme celle de Charcot, ou les cancers et qui arrivent à Bruxelles dans des états épouvantables. On se demande parfois comment les médecins de France peuvent les laisser dans un état pareil", s'insurge Yves de Locht. 

"Il y en a eu tellement"

La loi belge est ainsi faite : pour bénéficier du droit d'être euthanasié, il faut se rendre une première fois dans le pays, afin de rencontrer un médecin qui livrera un diagnostic, appuyé par l'avis d'un confrère. Le patient doit être atteint d'une maladie incurable, présenter des demandes réitérées et une souffrance insupportable. "C'est très émouvant de voir des gens arriver en chaise roulante ou en ambulance. Je suis admiratif devant eux", ajoute le septuagénaire.  

La loi encadrant l'euthanasie en Belgique est née en 2002. "Votre ministre de la Santé, Mme Buzyn ne veut pas en entendre parler pour le moment, disant que la France n'a pas assez de recul sur la question, mais en Belgique, ce recul nous l'avons. Et les demandes ne cessent d'augmenter de la part de Français, insatisfaits des conditions de fin de vie chez eux. On meurt mal en France". Le généraliste va plus loin : "L'écoute, le dialogue, ce sont des choses que beaucoup de patients français me disent ne plus rencontrer avec leurs médecins, qui n'ont plus le temps. Ça me chagrine."

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