Suicide assisté, euthanasie : en France, "Il y a un énorme vide juridique" - Le Progrès
Un premier cas de suicide assisté a été autorisé par un Comité d'éthique en Italie pour un chauffeur de poids lourd devenu tétraplégique il y a dix ans à la suite d'un accident de la route. Dans ce pays, cette pratique était jusqu'à présent passible d'une peine de 5 à 12 ans de prison.
En France, l'euthanasie active et le suicide assisté ne sont toujours pas autorisés. Seule "la sédation profonde et continue, pouvant aller jusqu'à la mort" est légale depuis l'adoption de la loi Claeys-Leonetti en 2016. Mais ce "droit à laisser mourir" n'est accessible qu'aux personnes dont le pronostic vital est engagé à court terme, ce qui ne permet pas aux Français de choisir leur fin de vie aux yeux de Philippe Lohéac, Délégué général de l'Association pour le droit de mourir dans la dignité. Interview.
Euthanasie active et passive, suicide assisté... De quoi parle-t-on ?
Le suicide assisté, aussi appelé aide au suicide, consiste à fournir un environnement et des moyens à une personne pour qu'elle se suicide.
Il se distingue de l'euthanasie, qui consiste à déclencher la mort d'une personne qui ne peut pas elle-même se la donner.
L'euthanasie passive consiste quant à elle à interrompre des traitements ou des appareils qui maintiennent en vie une personne, comme l’alimentation artificielle.
Que disent les textes juridiques vis-à-vis du suicide assisté et de l'euthanasie ?
Le seul texte qui existe en France concernant l'interdiction d'une aide à mourir se trouve dans le Code de la Santé publique. Il s'agit d'un article qui dit que le médecin ne peut pas donner délibérément la mort. Le mot euthanasie n'apparaît nulle part. Quant au suicide, il est autorisé depuis 1792. Et l'assistance au suicide n'est, de fait, pas interdite. De même que la provocation au suicide. Donc il faut comprendre qu'on ne peut aujourd'hui pas demander la dépénalisation de quelque chose qui n'est pas pénalisé.
Peut-on donc parler de vide juridique ?
Il y a un énorme vide juridique ! C'est pour cette raison que nous brandissons l'article 2 de la convention européenne des droits de l'Homme qui explique que ce vide juridique est en défaveur de ceux qui veulent mourir, mais aussi de celles et de ceux qui veulent vivre. Parce qu'on sait qu'il existe en France des aides actives à mourir qui ne sont pas encadrées et qui se font dans des conditions pas claires, parfois au détriment du patient.
C'est pour cela que l'ADMD milite non pas pour un droit universel au suicide assisté, mas pour une loi qui permette la légalisation de l'aide active à mourir, pour permettre à chacun de choisir les conditions de sa propre fin de vie. Ce n'est pas le cas aujourd'hui.
Pourquoi la loi Claeys-Leonetti n'est-elle selon vous pas suffisante ?
Cette loi de 2016 propose quelque chose qu'on qualifie, nous, de dramatique : la sédation profonde, qui est une mort à petit feu. Cela consiste à déshydrater quelqu'un, le dénutrir, et attendre qu'une insuffisance rénale sévère survienne, et c'est cette insuffisance qui tue le patient. De plus, elle ne s'applique qu'aux patients en toute fin de vie, dont le pronostic vital est engagé à court terme. De fait, elle ne peut pas s'appliquer aux personnes atteintes de maladies neurodégénératives, comme Parkinson, Alzheimer ou Charcot. Parce que pour pouvoir en bénéficier, il faut attendre les toutes dernières heures. Or, si l'on prend l'exemple de la maladie de Charcot, dans les toutes dernières heures, on s'étouffe. C'est horrible.
C'est pareil pour les personnes en état de mort cérébrale, n'est-ce pas ?
Tout à fait ! Rendez-vous compte : la loi de 2016 a été votée alors que Vincent Lambert se trouvait dans l'état que l'on connaît, dans un lit d'hôpital de Reims. On a fait voter une loi dans notre pays alors qu'il y avait en cours une affaire médiatique et dramatique de fin de vie et ce texte n'était pas capable de trouver une solution d'apporter de réponse au cas de Vincent Lambert. C'est scandaleux.
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