Une aide à mourir, sous quelles conditions ? Tribune de Jonathan Denis, président de l'ADMD - L'Humanité
Le projet de loi relatif à l’accompagnement des malades et de la fin de vie a été transmis le 15 mars au Conseil d’État. Il sera ensuite présenté en Conseil des ministres, avant son examen au Parlement.
Après une première étape franchie, il reste à clarifier certains points, dont la notion de pronostic vital et celle de collégialité de la décision.
Ainsi, la ministre du Travail, de la Santé et des Solidarités s’apprête à présenter en Conseil des ministres, sans doute le 10 avril, le projet de loi relatif à l’accompagnement des malades et de la fin de vie. Ce texte, voulu par le président de la République, est attendu par les Français. Il ouvrira le champ des possibles en matière de fin de vie.
D’ores et déjà, les contours de ce texte se dessinent. Il autorisera le recours au suicide assisté et ne permettra l’euthanasie que dans le cadre d’une exception, en cas d’incapacité physique, pour le patient, à accomplir le geste. Par ailleurs, il offrira une vision globale des soins de fin de vie, mettant en avant ceux d’accompagnement et créant des maisons d’accompagnement.
Pour les militants de l’Association pour le droit de mourir dans la dignité (ADMD), cinq points feront l’objet d’une vigilance particulière, et le législateur devra se souvenir de Vincent Humbert, Chantal Sébire, Anne Bert, Alain Cocq, Katherine Icardi et tant d’autres, afin que la loi réponde aux circonstances similaires que d’autres malades auront à éprouver.
Ainsi, les directives anticipées devront être prises en considération dans le cadre de l’aide à mourir pour une application éventuelle, dès lors que, du fait d’une maladie neurodégénérative par exemple, le discernement est altéré. Une volonté anticipée reste une volonté à respecter. Aussi, la notion de pronostic vital engagé à court ou moyen terme devra être abandonnée au profit de la mention « même en l’absence d’un diagnostic de décès à brève échéance ».
Nous savons les drames causés par le « court terme » imposé par la loi de 2016. Ne reproduisons pas la même erreur en exigeant que les patients franchissent les stades les plus douloureux d’une maladie avant de répondre à leur légitime demande.
La collégialité dans la prise de décision, chère au président de la République, devra être pensée comme un moyen, pour le médecin qui reçoit la demande, d’en valider l’acceptabilité au regard de critères légaux, en confrontant son avis à celui d’un collègue. Elle ne devra pas être subie comme une commission qui agirait comme un tribunal devant lequel le patient en fin de vie devra venir se justifier, s’exposer, avec de multiples voies de recours qui auront pour effet son infini épuisement.
L’euthanasie ne devra pas être traitée comme une exception mais comme une possibilité offerte au patient, selon sa volonté. Il sera des patients dont la demande de mettre fin à une vie de souffrances sera légitime, qui auront la capacité physique d’accomplir le geste mais qui n’en auront pas la capacité morale (aussi pour des raisons de convictions personnelles).
Enfin, la personne qui s’apprête à mourir, dans le cadre d’une aide active, devra être accompagnée, entourée, assistée, pour que ce dernier geste de vie demeure un geste d’amour, de respect et de solidarité. Alors, ce texte sera un texte républicain de liberté.
Jonathan Denis
Président de l’Association pour le Droit de Mourir dans la Dignité