Fin de vie : "Aidez-moi à partir sereinement et être une fois de plus fière de mon pays."
Je vous écris en tant que citoyenne engagée et personne directement touchée par une maladie incurable et fatale à court terme : la maladie de Charcot.
Mais c’est également en tant que petite-fille de Pierre Lazareff, grand journaliste, fondateur de France Soir, qui a laissé une empreinte indélébile dans le paysage médiatique français. Ayant été profondément influencée par les combats d'idées de mon grand-père, je souhaite partager avec vous cet engagement qui me tient à cœur : enfin une loi pour autoriser l'euthanasie et le suicide assisté en France.
Âgée de 68 ans, j'ai été diagnostiquée il y a deux ans de la maladie de Charcot. J’ai toujours mené une vie active et épanouissante, investie dans ma famille, ma carrière et ma communauté.
Depuis lors, ma santé s'est dégradée de manière rapide et impitoyable, m'obligeant à faire face à de nombreux défis physiques et émotionnels. Chaque jour est un défi pour accomplir les tâches les plus basiques de la vie quotidienne, je suis devenue prisonnière de mon propre corps.
Face à cette déchéance inévitable, j'ai pris une décision difficile mais réfléchie : celle de me rendre en Belgique pour avoir accès à l'euthanasie. Cette décision n'a pas été prise à la légère, mais elle est le fruit d'une profonde réflexion, partagée avec les miens.
Mon grand-père avait une passion pour la vie, reflétée dans sa citation « Ce n'est pas vraiment que j'ai peur de mourir. Mais j'ai tellement peur de m'ennuyer quand je serai mort. » C'est cet amour de la vie qui m'incite à plaider pour le droit de choisir ma fin.
Mon choix de l'euthanasie n'est pas basé sur le désespoir, mais sur la volonté de préserver ma dignité jusqu’au bout. Je veux que mes enfants se rappellent notre amour, nos rires et notre complicité, plutôt que la souffrance et la perte de dignité que ma maladie continue d'entraîner. Mon choix de l'euthanasie ou du suicide assisté est donc un acte d'amour pour eux, pour leur épargner le fardeau de me voir dépérir et souffrir.
Certains pourraient dire que la loi Claeys-Leonetti est déjà là… Tout d’abord je préfère l’euthanasie à la sédation profonde, par l’instantanéité de ce geste… Ensuite, je demande au médecin de mettre fin à mes souffrances de la maladie de Charcot que la recherche est incapable de guérir. Et pour finir, cette maladie ne rentre pas dans le cadre du pronostic vital à court terme. Je n’ai donc aucune autre alternative que de m’exiler pour avoir accès à une fin de vie choisie et digne.
Cette situation ubuesque mérite d’être concrètement remise dans le contexte. Imaginez mes enfants le jour J, devant prendre leur véhicule, leur valise et leur maman pour faire trois heures de route avec pour seule destination l’issue fatale. Que peut-il naturellement se passer dans leur tête pendant ce trajet ? Comment vont-ils appréhender le retour avec leur maman sous une autre forme ? Mon cœur de maman saigne lorsque je me l’imagine…
Je tiens à souligner que depuis que j'ai fait le choix d'être euthanasiée, je me sens comme libérée et capable de profiter de chaque instant qui m'est offert. Cela me permet de passer des moments précieux avec mes enfants et de partager des instants de joie et d'amour, sans être constamment accablée par la détérioration de ma santé.
Je sollicite donc votre soutien en tant que parlementaire, pour que vous puissiez porter notre voix afin d’aboutir à une loi rapidement. Il est grand temps que la France ait sa loi à l’instar de beaucoup de pays européens.
La société française est maintenant prête à évoluer vers une législation qui permettra aux individus en fin de vie de faire des choix éclairés et de partir dignement, entourés de leurs proches et avec le soutien médical approprié. Je vous encourage à considérer cette question avec compassion et ouverture d'esprit.
Aidez-moi à partir sereinement et être une fois de plus fière de mon pays.
Katherine Icardi Lazareff