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Fin de vie. Mireille Blachon, atteinte de la maladie de Charcot, interpelle Brigitte Macron

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Publié le
15 mai 2019
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Madame,

Depuis un an, atteinte de la maladie de Charcot ou SLA, j’ai décidé d’essayer de faire bouger les choses devant l’immobilisme consensuel actuel pour que la loi en faveur de l’euthanasie soit enfin adoptée et votée. C’est, pour moi et des milliers d’autres, une liberté essentielle.

J’ai l’intention de faire paraître cette lettre dans les journaux, sur Facebook et Twitter. L’Association pour le Droit de Mourir dans la Dignité (ADMD) et son président, Jean-Luc Romero-Michel, me soutiennent.

En quelques mois, parler m’est devenu laborieux et pénible, et marcher sans béquilles est éprouvant tant mes muscles disparaissent. La marche deviendra sous peu impossible. Manger ou boire est de plus en plus difficile, et le quotidien sera bientôt infernal. Cette détérioration constante, parfois très rapide, est malheureusement sans rémission possible. Dès lors, ce ne sera plus « vivre » mais « survivre », nourrie par sonde, sous assistance respiratoire et sans avoir la possibilité de parler.

Cela, je n’en veux pas et j’ai le droit de ne pas en vouloir.

Mon cas n’est qu’un exemple parmi tous ceux qui demandent, exigent le droit de décider pour eux-mêmes, veulent pouvoir refuser les soins palliatifs et éteindre une lumière qui n’en est plus une.

Il ne s’agit pas seulement de mourir, mais de vivre dans la dignité, ce que le comité d’éthique nous refuse. Pourquoi ?

« Ethique » implique, au sens grec du terme, la « morale ». De quel droit refuse-t-on aux malades, et ceci contre leur propre volonté, la possibilité de mettre un terme à une vie devenue trop douloureuse ? Quelle est donc cette morale qui consiste à les laisser survivre sans conscience parfois et sans dignité ?

La loi Leonetti-Claeys du 2 février 2016 est mal appliquée, souvent peu connue. Celle-ci donne le droit de « laisser mourir » ! Laisser mourir, attendre des jours et des jours, dans un état second, que le cœur lâche. Quelle hypocrisie, quelle horreur !

Cette loi, si elle tient compte, en principe, des souffrances et de la difficulté d’une vie qui n’en est plus une, est bien souvent oubliée, mal comprise. Les directives anticipées n’ont pas de fichier national à jour (en dehors de celui géré, à ses propres frais, par l’ADMD) et le malade se retrouve dans un flou qu’il n’a plus le temps de comprendre. Situation difficile également pour les proches qui subissent cette longue attente.

« Euthanasie », le mot fait peur, alors qu’il est si explicite. Son origine grecque dit « avoir une mort douce, qu’elle soit provoquée ou naturelle ».

Que l’euthanasie soit réglementée, certes. Mais qu’elle soit, interdite est un scandale.

N’ayons pas peur d’éventuels abus. Il n’y en jamais eu, ni en Belgique, ni aux Pays-Bas, ni au Luxembourg, ni en Suisse, ni au Canada, ni dans les huit états américains où elle est appliquée. Et de quels abus s’agirait-il dans le cadre d’une loi précise impliquant à la fois un diagnostic médical irréfutable et la volonté consciente et réitérée d’un malade ?

Les sondages disent que 96 % des Français sont favorables à la légalisation de l’euthanasie, même si, comme ailleurs, elle ne serait pratiquée que par 2 ou 3 % de la population. C’est une liberté, comme la loi sur l’avortement ou le mariage pour tous ! Liberté…

J’ai la chance d’avoir un fils, beaucoup d’amis et Roger Blachon, mon mari, est toujours auprès de moi même s'il est décédé il y a 11 ans. Grâce à ses dessins et à sa personnalité, beaucoup de sportifs ou non s’en souviennent. Nombreux sont ceux qui ont gardé en mémoire sa page humoristique parue pendant 20 ans dans l’Equipe magazine. Les nombreuses expositions que nous n’avons pas arrêté de faire depuis sa disparition prématurée, le prouvent. Ils vont m’aider, me soutenir dans ma démarche et, comme l’a déjà fait Anne Bert, alerter le gouvernement, le comité d’éthique, la ministre de la santé.

J’ose espérer que vous appuierez cette requête et nous aiderez à arrêter cette hypocrisie qui nous oblige, nous Français, à aller en Suisse ou en Belgique, ce qui n’est pas accessible à tout le monde… Encore une inégalité, financière cette fois, nous amenant à contourner la loi si l’on désire mourir dans notre pays.

Je compte sur votre humanité et votre bienveillance, pour nous soutenir. J’ose aussi espérer que vous plaiderez cette cause auprès de notre Président.

Je vous remercie de me lire et vous présente mes salutations respectueuses.

Mireille Blachon

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