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Aujourd’hui, on meurt mal en France", estime le député Jean-Louis Touraine lors de la Matinale santé de Chartres

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Communiqué
10 décembre 2020
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Jean-Louis Touraine, député (LREM) du Rhône, professeur de médecine, est l’invité de la Matinale santé - virtuelle, cette année -, organisée par la Mutualité Française Centre-Val de Loire et L’Écho Républicain.

La loi Claeys-Leonetti de 2016 a donné de nouveaux droits aux malades et aux personnes en fin de vie, mais n’a pas mis fin aux débats sur l’autorisation de l’euthanasie et du suicide assisté. Jean-Louis Touraine, député (LREM) du Rhône, préside le groupe d’étude sur la fin de vie à l’Assemblée nationale. Le professeur de médecine explique pourquoi il souhaite que la législation évolue.

Une majorité de Français meurt à l’hôpital. La fin de vie se déroule-t-elle dans des conditions satisfaisantes ?

Malheureusement non, car beaucoup de Français décèdent à l’hôpital, alors que leur souhait serait plutôt d’être chez eux, entourés de leurs proches. Ce n’est pas toujours possible, mais quelquefois on pourrait le faire et on ne le fait pas.

"Il y a encore dans notre culture française, sinon un acharnement thérapeutique, mais tout au moins l’idée qu’il faut prolonger toujours davantage la survie, même en phase agonique."

La deuxième chose qui manque, c’est d’écouter l’avis du malade. En 2020, une personne en agonie n’a pas le droit de disposer de son corps, de définir son destin. Aujourd’hui, on meurt mal en France.

Faut-il faire évoluer la loi sur la fin de vie et autoriser l’euthanasie ?

Je n’utilise pas personnellement le terme d’euthanasie. Étymologiquement, le mot veut dire “bien mourir” et évidemment tout le monde souhaiterait cela. En France, ce terme est souvent utilisé pour des fins de vie chez une personne ou un animal, sans qu’il ait été sollicité.

Dans les hôpitaux, chaque année, il y a environ 2.000 à 4.000 cas dans lesquels, de façon illégale, en catimini, sont injectés des produits qui déclenchent volontairement la fin de vie chez des patients en phase très avancée de leur maladie. Dans la majorité des cas, la personne n’a pas été sollicitée.

Nous souhaitons que ce soit d’abord la volonté de la personne qui soit respectée. Ceux qui veulent une fin de vie digne, utilisant un moyen évitant les souffrances de la phase terminale de l’agonie, doivent être entendus, et les médecins qui acceptent doivent pouvoir administrer les produits opportuns.

Nous souhaitons aussi que personne ne soit autorisé à le faire pour les malades qui veulent attendre la fin naturelle, pour des raisons philosophiques ou religieuses.

Vous préférez parler d’aide active à mourir plutôt que d’euthanasie.

Oui, même si c’est la même chose. Mais l’aide active à mourir peut inclure le suicide assisté. Surtout, cela veut dire que j’aide quelqu’un qui me l’a demandé. On n’est pas là pour décider à sa place. Par contre, il ne faut contraindre aucun médecin à le faire. S’il ne le veut pas, il doit choisir parmi ses confrères celui qui pourra le suppléer.

Comment procéder quand les personnes ne sont plus en état de donner leur avis ?

C’est important de pouvoir solliciter leurs directives anticipées ou le choix d’une personne de confiance, qu’ils puissent désigner avant que la maladie ait trop progressé.

"Ils peuvent alors dire à l’avance qu’au-delà d’un certain degré, ils ne voudraient plus que l’on prolonge la réanimation de façon excessive, et que si cela devient trop pénible, on puisse leur administrer le produit qui leur permettra de passer de vie à trépas sans souffrance."

Comment expliquez-vous que la législation sur la fin de vie soit méconnue ?

Nous avons une civilisation bien étrange actuellement, où chacun se croit immortel, personne ne veut penser à sa mort. C’est très différent de l’Antiquité, où au lieu de dire un humain, on disait un mortel.

Est-il possible qu’une loi soit votée d’ici la fin du quinquennat ?

Je m’y emploie. Depuis 2017, j’ai présidé un groupe à l’Assemblée nationale, avec un très grand nombre de députés de tous bords. Beaucoup de gens ont été auditionnés.

"J’ai rédigé une nouvelle proposition de loi et j’espère qu’elle passera avant la fin du quinquennat, mais ce n’est pas moi qui décide du calendrier parlementaire."

La bataille judiciaire sur le cas de Vincent Lambert, autour de l’arrêt ou non des traitements, a marqué les esprits. Quelles leçons en tirez-vous ?

Pour les cas comparables, nous introduisons dans le projet de loi une hiérarchie parmi les proches, si la personne n’a pas rédigé ses directives anticipées. Nous considérons que le conjoint est la personne la plus proche. S’il n’y en a pas, on peut estimer que ce sont les parents ou les enfants qui peuvent prendre le relais. On évite de les mettre sur le même plan, pour qu’il n’y ait pas une contradiction néfaste.

La crise du Covid-19 a-t-elle changé notre rapport à la mort ?

Oui, bien sûr. Dans les Ehpad, des personnes sont décédées sans pouvoir être entourées de leurs proches pour des raisons sanitaires. Depuis, les choses se sont humanisées. On permet à un petit nombre de proches d’y accéder dans les phases terminales. C’est important qu’il y ait ce lien. Les derniers mots qui sont dits sont d’une importance majeure.

Euthanasie : la société est-t-elle prête ? La fédération nationale de la Mutualité française propose que l’euthanasie puisse être légalisée. « L’état d’esprit des Français est-il mûr pour ce droit?? », interroge Rose-Marie Minayo, présidente de la Mutualité Française Centre-Val de Loire. Jean-Louis Touraine souligne qu’un « sondage récent a montré que 96 % des Français souhaiteraient que le choix du mode de fin de vie existe ». Le député du Rhône ajoute : « Cela ne veut pas dire qu’ils veulent eux-mêmes bénéficier de l’administration d’un produit létal, mais qu’ils souhaitent que cela soit possible légalement, quand on en a besoin et que c’est validé par les médecins. Les décideurs sont toujours plus lents à se laisser convaincre que la société. Quand on en est à un niveau 96 % de volonté dans la population, je crois qu’il est important de le faire vite. »

Le site de L'Echo Républicain

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