Compte rendu de la conférence du 25 mars 2017 à la Réunion

Devant plus de 120 personnes réunies dans la salle polyvalente de la mairie de Saint Denis, Christophe Michel, secrétaire général de l’ADMD, Jocelyne LAURET, déléguée régionale de l’ADMD et Bernard ROBERT, docteur en pharmacie, ont ouvert la conférence, rejoints peu après par M. Omar ISSOP-BANIAN, représentant le Groupe de dialogue inter-religieux (GDIR).


I/ Jocelyne LAURET, la déléguée régionale de l'ADMD, a été la première à s’exprimer.

Le droit de mourir dans la dignité est la cause défendue depuis 1980 par l'Association pour le Droit de Mourir dans la Dignité (ADMD), qui n'a de cesse d'alimenter les débats sociaux,  philosophiques et politiques.
L’ADMD compte plus de 70 000 adhérents. Elle est représentée à La Réunion par une délégation régionale comptant plus de 120 membres.

Mais qu'est-ce que mourir dans la dignité ? Qu’est-ce que la dignité ? Qu’est-ce que la vie ?

A chacun son point de vue, à chacun sa religion ou pas, à chacun sa liberté de penser.
La liberté, c'est bien le socle des luttes de l'ADMD, un droit que nous revendiquons, mais un droit encore sous l'emprise de diverses contingences notamment politiques et juridiques.
Ainsi, le sujet fait régulièrement débat devant nos instances juridictionnelles. Beaucoup d’affaires restent pendantes dont la dernière en date, qui concerne MARWA, cette petite fille d'un an, victime d’un entérovirus foudroyant. Les médecins veulent arrêter les traitements de l’enfant contre l’avis des parents. Nous sommes dans l’attente de l’avis du Conseil d’Etat qui s’est réuni le 02 mars dernier.
Le sujet s’invite aussi dans les débats électoraux. Récemment, l’ADMD a interrogé nos candidats à l’élection présidentielle pour savoir comment ils traiteraient cette question s’ils étaient élus. En l'espèce, ils sont quatre à se prononcer pour l’euthanasie et le suicide assisté.

Christophe Michel, secrétaire général de l'ADMD mais aussi co-responsable des jeunes au sein de l’association parce que la question de la fin de vie n’est pas l’apanage des personnes âgées, est parmi nous pour nous parler de l’ADMD et pour faire un point sur le droit de mourir dans la dignité en France aujourd’hui.

Mais nous sommes à La Réunion et il est aussi important d’évoquer cette question dans le contexte réunionnais riche de ses spécificités sociales, religieuses, culturelles et historiques. M. Bernard ROBERT, docteur en pharmacie, nous en fera une présentation.

Nous souhaitons faire de notre rencontre d’aujourd’hui une occasion d'échanger, en toute liberté, en considération de nos différences mais aussi de nos convergences, que nous soyons croyants, agnostiques, athées, laïcs, humanistes….

Vous avez été nombreux à prendre part à la préparation de cette conférence, membres d'associations qui œuvrent dans les domaines de la santé, de l’accompagnement en fin de vie, des soins palliatifs, des personnes âgées, de la mutualité, de la philosophie, des religions, et qui sont représentées ici. Nous vous en remercions et comptons sur votre témoignage.

J’espère que vous serez nombreux à prendre la parole. A nous tous de faire entendre nos points de vue afin d’enrichir le débat.


II/ Christophe MICHEL secrétaire général de l’ADMD en visite à La Réunion, a pris ensuite la parole en abordant plusieurs axes.

La loi Claeys Leonetti du 2 février 2016 n’a pas donné satisfaction, comme en témoigne un très récent sondage IFOP : 90% des français se déclarent en faveur du suicide assisté, 95% se déclarent en faveur de l’euthanasie. Jusqu’à ce que la loi ne condamne plus ces options, nous n’avons pas la liberté de choisir notre fin de vie.
Nous avons la possibilité d’écrire nos directives anticipées qui permettent de déclarer à l’avance ce que chacun autorise au passage de la vie à la mort. Celles-ci devraient être respectées par le corps médical sauf, comme l’exprime la loi « en cas d’urgence vitale pendant le temps nécessaire à une évaluation complète de la situation et lorsque les directives anticipées apparaissent manifestement inappropriées ou non conformes à la situation médicale », ce qui n’est clair pour personne mais, en tout état de cause, porte atteinte à la liberté du malade.

L’information sur les droits des citoyens.
La difficulté est encore aggravée par le fait que peu de gens, personnel médical ou patients, sont vraiment au fait de la loi et des droits ou des non-droits de chacun.
Ce n’est que récemment qu’une campagne publique a été organisée sur les directives anticipées pour lesquelles le Gouvernement refuse toujours d’instaurer un fichier national.
Heureusement, l’ADMD est là pour gérer le fichier des directives anticipées et aussi pour éditer et diffuser une plaquette sur les droits relatifs à la personne malade et en fin de vie.

La plaquette de l’ADMD présentée par son secrétaire général reprend toutes les recommandations :
    •    Droit au refus de tout traitement,
    •    Droit au soulagement de la douleur,
    •    Droit à la sédation,
    •    Droit à la prise en compte des directives anticipées,
    •    Droit de se faire représenter par une personne de confiance.
Ces droits doivent être connus. C’est la lutte pour la dignité.

A quelques semaines du premier tour de l’élection présidentielle, l’ADMD a invité les candidats à une grande réunion publique au Cirque d’Hiver, à Paris, au cours de laquelle ils ont été appelés devant 2000 militants à exprimer leur position sur la question du droit de mourir dans la dignité.
Ils sont quatre aujourd’hui à s’être prononcés favorablement au suicide assisté et à l’euthanasie (Mme Artaud, MM. Poutou, Hamon et M. Mélenchon, ce dernier se prononçant même pour une modification constitutionnelle allant dans ce sens), les autres candidats faisant fi des résultats du dernier sondage :
    •    Sur le suicide assisté, se déclarent favorables : 86% des électeurs de M. Fillon et de M. Hamon, 91% de M. Macron et 94% de Mme Le Pen et de M. Mélenchon.
    •    Sur l’euthanasie, se déclarent favorables : 91% des électeurs de M. Fillon, 94% de MM. Hamon et Mélenchon, 96% de M. Macron et 99% de Mme Le Pen.
Par ailleurs, le même sondage révèle que, pour 39% des français, les questions liées au droit de mourir dans la dignité, auront une forte influence dans leur vote (26% pour les électeurs de M. Fillon, 38% pour ceux de M. Hamon, 40% pour ceux de M. Macron, 45% pour ceux de Mme Le Pen et 49% pour ceux de M. Mélenchon.
Enfin, 1 français sur 3 (32%) est prêt à renoncer à voter pour le candidat dont il se sent le plus proche si celui-ci se déclare opposé à l’euthanasie (19% des électeurs de M. Fillon, 28% de M. Macron, 33% de Mme Le Pen et de M. Mélenchon et 35% de M. Hamon).
Il nous apparaît donc important pour les candidats de se positionner, d’autant que ce droit ne sera jamais une obligation et qu’il ne retirera rien à ceux qui sont opposés à l’euthanasie et au suicide assisté de finir leur vie … autrement.

Ainsi, alors que la quasi-totalité des Français est favorable à la légalisation de l’euthanasie, comme 60% des médecins, il faut que les élus mettent en œuvre la volonté des Français. D’autant que chacun sait que l’aide au suicide ou à l’euthanasie ne sont pas des pratiques inexistantes de nos jours. Mais tout se passe dans la confidentialité, ce qui n’est pas sans risque de dérives…
C’est au nom de la liberté, de l’égalité, et de la fraternité que ce discours est chaleureusement entendu et applaudi par les présents.


III/ Le docteur Bernard ROBERT pharmacien a traité un historique de la douleur et sa prise en compte par Me Cicely SAUNDERS, pionnière des soins palliatifs en 1919. La morphine est la base du traitement.
Aujourd’hui le traitement de la douleur s’accompagne de soins palliatifs auxquels la famille est associée. Ces soins permettent, dans la liberté de conscience, de supporter la mort. Mais ils ne suffisent pas. Par ailleurs, toutes les souffrances ne sont pas physiques. Que fait-on de la souffrance morale et de la souffrance psychologique ?
La question du rapport entre la religion et la mort sera abordée. Il existe pour chacun des rites de passage de la vie à la mort.


IV/ M. Omar ISSOP-BANIAN représentant le groupe inter-religieux de la Réunion (GDIR), a fait état de la position des diverses religions pratiquées à la Réunion.

Ces sujets sont très sensibles, délicats, graves et soulèvent de nombreuses questions morales, philosophiques, religieuses et spirituelles.

La sacralité de la vie en tant qu’elle vient de Dieu, doit être respectée, seul propriétaire et héritier des âmes, en ce sens que personne d’autre n’en est propriétaire et ne peut attenter à la vie d’autrui.

Ce qui est légal n’est pas forcément moral.

La mort se prépare, car elle est inéluctable, un ensemble de rites l’accompagne pour les croyants et pratiquants.

Avant la mort, durant la maladie, nous avons un devoir moral et une obligation d’accompagner le malade et sa souffrance, de rechercher les soins, tous les soins possibles grâce aux progrès de la médecine et/ou techniques, mais sans tomber dans l’acharnement thérapeutique, synonyme de souffrance.

Savoir être présent, dans le respect de la dignité, de la pudeur, de la foi et des croyances du malade, rechercher à alléger la douleur, faire preuve de compassion, de bienveillance et d’amour à son égard.

Il faut favoriser la solidarité, familiale, communautaire, amicale et de voisinage, si caractéristique des cultures en usage à La Réunion.

Il y a une tendance à la déshumanisation de la médecine, de l’hôpital, à travers les intérêts qui tournent trop souvent autour de l‘argent, des considérations budgétaires et économiques.

Le GDIR rappelle en conséquence que :
    •    Il est, à la lumière des textes sacrés, opposé aux pratiques d’euthanasie et au suicide assisté, mais aussi à l’acharnement thérapeutique, tout en étant favorable au développement des unités de soins palliatifs.
    •    Nous vivons dans une société de droit qui garantit en outre le droit individuel de la liberté de conscience ; il ne s’agît pas d’un débat entre croyants et non-croyants.
    •    L’ordre naturel des choses doit se dérouler.
    •    Il faut laisser faire l’extinction naturelle de la vie, sans la précipiter, tout en l’accompagnant dans la dignité.


V/ Après ce temps d’exposés, la parole a été donnée à la salle.

Plusieurs intervenants rappellent que la population est hétérogène à la Réunion et que les athées sont en nombre suffisant pour que leur parole soit prise en compte. Cette population souhaite que la loi soit reprise et que le suicide assisté y soit inscrit.

Des interventions font état d’une médecine déshumanisée et soumise aux contraintes budgétaires éloignées de la dignité du malade en fin de vie.

A noter une forte participation de jeunes qui viennent témoigner de leurs préoccupations.

De nombreux témoignages font état des bienfaits des soins palliatifs mais dénoncent la difficulté d’accès au regard de l’insuffisance d’équipement des hôpitaux (80% des demandes restent insatisfaites en France, nous n’avons pas les chiffres à La Réunion).

De nombreuses questions sont posées aux intervenants sur la mort et la liberté. Il leur est répondu sans artifice.

Des précisions sont demandées sur les directives anticipées et sur la façon de les mettre en œuvre.

Madame LAURET remercie tous les participants. Ils ont été nombreux à avoir participé, de diverses associations surtout : ADMD, Mutualité de la Réunion, Présence Nord (accompagnement en soins palliatifs), ORIAPA, Fondation Père Favron, FARE, Maison du diabète, GDIR, …

La séance se termine par une collation offerte par la Mutualité de la Réunion et M. Pierre DEPOULY, un adhérent de l’ADMD, lesquels sont remerciés.