La promesse - Pascal Caglar Un fils a promis d'accompagner sa mère en Suisse.
Une introduction et une conclusion aux accents de pièce de théâtre participative enserrent 370 paragraphes qui décrivent avec réalisme, empathie et amour le quotidien chaotique d’une femme de plus de 90 ans dont la mémoire, la vue et le corps défaillent.
Pourtant ces textes courts et percutants s’avèrent savoureux. Comment associer un style léger, une écriture fine, et un incommensurable sentiment de culpabilité ? Pascal Caglar réussit cette performance dans un livre qui se lit d’une traite, et qui nous touche à des degrés divers. Si l’on est, ou a été, ce que l’on appelle un aidant, on reconnaît chaque situation, on sait pertinemment le poids de l’attentive inquiétude de chaque jour, on sait la lassitude qui finit par éteindre chaque protagoniste d’une fin de vie au compte-goutte. « On oscille entre deux souffrances : celle de la compassion, à voir ce qu’elle devient ; celle de la mauvaise conscience, à s’éloigner d’elle pour se protéger soi-même. »
Lorsque Michèle a compris qu’après ses yeux, c’était sa tête qui la lâchait, elle a cherché des solutions pour en finir « dignement » ... mais sans risque de rater son coup ou de souffrir. Après investigations raisonnées, elle a décidé que « le jour venu » ce serait en Suisse que son fils devrait l’accompagner pour en finir d’une vie qui lui pèse et qui en plus lui vole ses plus beaux souvenirs, ceux de sa vie d’avant. Ce n’est pas la meilleure solution, elle préférerait rester en France, dans sa maison, même si tout s’y perd mystérieusement, comme ce dentier opportunément retrouvé au fond d’un verre de jus de fruit offert à un jeune stagiaire infirmier. Seulement, quand décider si ce jour est venu ? Et qui doit le faire ? A quel moment ? Comme le précise si bien l’adage « Avant l’heure, c’est pas l’heure, et après l’heure, ça l’est plus». C’est en pleine conscience que Michèle aurait pu demander l’aide helvétique...alors fallait-il que son fils sentant poindre les difficultés neuronales insiste pour faire ce dernier voyage ? Il lui en avait fait la promesse, mais comment s’y résoudre, si ça n’est pas elle qui le lui demande d’une façon claire et lucide ? Sans compter les avis divergents – voire suspicieux – de certains membres de l’entourage.
C’est ainsi que, jour après jour, Pascal scrute Michèle et nous décrit des situations aussi drôles que pathétiques. Il est prêt à intervenir et soulagé de ne pas avoir à le faire, jusqu’à ce que le corps médical prenne la décision pour eux : ce sera l’EHPAD. Le sentiment de ne pas avoir pu tenir sa promesse, se double alors du sentiment d’abandon. « Dans ta maison, tu as une chambre pour tes amis, et pas pour ta mère ? ». Seule la maladie mettra fin à la situation, mais certainement pas à l’interrogation.
ACM
Publié en janvier 2023
Editions Picquier