Le Conseil économique, social et environnemental plaide pour une euthanasie encadrée - Libération
En rendant son avis sur la fin de vie, le Conseil économique, social et environnemental (Cese) propose d’ouvrir la voie à une «euthanasie encadrée». Une prise de position qui intervient alors que les Etats généraux de la bioéthique sont à mi-parcours, devant s’achever à la fin du mois d’avril. Et que l’Eglise catholique interrogeait l’opinion, lundi soir, en présence d’Emmanuel Macron : «Peut-on qualifier de derniers soins l’acte de donner la mort ? Il y a des limites qu’on ne saurait franchir», disait ainsi le président de la Conférence des évêques de France, Mgr Georges Pontier.
Le Cese se montre néanmoins prudent. Il suggère «d’ajouter aux droits aujourd’hui reconnus à la personne malade par la loi, celui de pouvoir demander au médecin – y compris à travers la rédaction de directives annoncées ou la désignation d’une personne de confiance – de recevoir, dans des conditions strictement définies, une médication expressément létale». En d’autres termes, la possibilité d’une prescription mortelle et non plus seulement destinée à soulager les douleurs.
«Trois niveaux de sécurité»
Mais pour éviter toute dérive, le Cese propose «trois niveaux de sécurité». D’abord, «la demande devra être formulée par une personne majeure et capable, en dehors de toute influence ou pression extérieure, de façon libre, éclairée et réfléchie». Elle devra être répétée dans un délai minimal de quarante-huit heures et rédigée par écrit. «Si la personne malade n’est pas en état d’écrire elle-même la demande, celle-ci devra être rédigée par un tiers majeur n’ayant aucun intérêt matériel au décès, dans des conditions strictement encadrées par la loi». Deuxième condition : «L’existence d’une souffrance physique ou psychique inapaisable devra être constatée.» Et dernière barrière, «le fait que cette souffrance résulte d’une affection incurable, en phase avancée voire terminale, devra constituer la troisième condition».
Bref, c’est une ouverture limitée que propose le Cese. Et celle-ci prend appui sur un constat au regard des limites de la loi actuelle, dite Claeys-Leonetti. «On ne peut pas parler de l’échec ou des carences de la loi tant que son évaluation n’est pas terminée», est-il écrit dans l’avis. Pour autant, «si les outils instaurés par la législation en vigueur permettent aujourd’hui de répondre à la grande majorité des situations, force est de constater, qu’existent toujours celles que la Ligue des droits de l’homme évoquait, dans une résolution du 17 janvier 2004, comme des "situations exceptionnelles dans lesquelles les conditions de la survie, l’intensité et l’incurabilité des souffrances physiques ou psychiques, la durée de l’agonie, ne sont plus compatibles tant avec l’autonomie, reconnue comme l’expression de la liberté la plus intime et la plus essentielle de la personne, qu’avec son sentiment de la dignité"».
L’Ordre des médecins, dans son rapport de 2014 sur la fin de vie, reconnaissait aussi que «la loi peut n’offrir aucune solution pour certaines agonies prolongées ou pour des douleurs psychiques et/ou physiques qui, malgré les moyens mis en œuvre, restent incontrôlables». Ajoutant que «ces situations, quand bien même elles seraient rares, ne peuvent demeurer sans réponse».
Eviter «le tourisme de la mort»
C’est pour répondre à ces cas que le Cese propose donc cette ouverture encadrée vers l’euthanasie. D’autant que «l’incidence de telles situations tend aujourd’hui à augmenter en France sous l’effet de certaines maladies neurologiques, mais aussi des progrès de la médecine». Aux yeux du Cese, cette ouverture permettrait d’éviter «le tourisme de la mort, vers la Belgique et la Suisse notamment», mais aussi «l’euthanasie active qui serait pratiquée de façon relativement régulière en dépit de son interdiction par la loi et serait à l’origine de 2 000 à 4 000 décès par an en France».