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Fin de vie : "On n'a pas le droit de laisser les gens souffrir..."

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Communiqué
15 février 2019
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Bienheureux
-ceux qui n'ont pas connu les maladies graves, les interventions chirurgicales, les hospitalisations et leurs lots de souffrances physiques et psychiques
- ceux qui n'ont pas eu à subir la déchéance, puis la mort dans la souffrance de leurs parents ou d'un être cher.
Mais cela ne les autorise pas à fermer les yeux sur certaines situations qu'ils pensent inenvisageables ou exceptionnelles.

Mon cas :
J'ai 70 ans, je ne suis pas atteinte de ce que l'on qualifie de maladie grave et pour l'instant je peux encore avec l'aide de mon mari, assumer mes petits handicaps.
Si je vous parle de mon vécu, ce n'est pas pour susciter de la pitié ou de l'empathie, mais simplement pour inciter les personnes qui n'osent pas penser à leur fin de vie ou à celles de leurs proches, à réfléchir sur ce sujet, voire à s'y investir.

A 18 ans, je subissais ma première intervention chirurgicale ; puis cela a continué en moyenne tous les 2 ans jusqu'en 2017. J'ai encore en mémoire les douleurs que l'on n'arrivait pas à calmer, l'incapacité à pouvoir faire quoi que ce soit seul du fait de la tuyauterie qui entravait toutes les parties de mon corps. Certains de ces souvenirs sont encore tellement ancrés en moi que je ne me sens plus capable de pouvoir supporter à nouveau de telles épreuves.

A mes petits problèmes personnels, sont venus se greffer le vieillissement et la maladie de mes parents.
C'est tout d'abord mon père qui a fait plusieurs AVC et m'a ainsi amenée à vivre des scènes que je ne peux oublier : les urgences où l'on laisse votre proche seul dans un coin, qui arrache les sondes, l'oxygène, veut se lever, aller aux toilettes, a faim... Puis c'est encore plus violent. Ce sont des scènes, que je qualifie de tortures  qu'il faut supporter : mon père, attaché à son lit pour qu'il n'enlève plus tout l'attirail dont il est affublé, et conscient que tout ce qu'on lui fait endurer ne servira pas à grand-chose. Heureusement pour lui, il a fini par se retrouver assez rapidement dans un service où je qualifierai le personnel d'humain, réaliste et qui a su faire ce qu'il fallait pour qu'il s'endorme tranquillement.

Et puis il y a eu maman qui s'est occupée elle-même, à son domicile, de sa mère dont le vieillissement, la déchéance et pour finir l'agonie n'ont pas été faciles à surmonter non plus. Devant cet état de fait, ne souhaitant pas revivre pour elle-même et faire supporter à ses enfants ce genre de situation, elle avait rédigé, sur papier libre, son souhait de non acharnement thérapeutique. A l'époque, l'ADMD n'existait pas, on commençait juste à préconiser, pour ceux qui le souhaitaient, de noter ce désir sur le document précisant leurs dernières volontés.
Et ce fut à mon tour de gérer la progression de la maladie d'Alzeimer dont Maman était atteinte et où j'ai réussi,  avec beaucoup de difficultés, à la maintenir chez elle pendant 10 ans. Puis l'inévitable est arrivé : elle a dû aller en EHPAD où hélas, dans son cas, le manque de personnel n'a pas facilité une fin de vie très agréable. Mais c'était supportable comparé à ce qu'elle a dû subir ensuite : HOSPITALISATION aux URGENCES ; elle est restée 48 heures aux urgences avant qu'on lui trouve un lit ; je la revois encore sur son brancard, avec les draps trempés par son urine et le liquide de la  perfusion qu'elle avait arrachée.

Une fois dans le service soi disant adapté à son cas, le personnel médical m'a averti que son état était critique sans toutefois poser de diagnostic.

Et là ont commencé pour elle et pour moi des scènes qu'il est impossible d'imaginer. Elle aussi, a été attachée, elle avait soif, mais il ne fallait pas lui donner à boire par rapport au protocole défini. Imaginez un être cher en face de vous qui ouvre la bouche, tel un petit oiseau ouvre son bec, pour vous dire en continu, j'ai soif, je veux boire, j'ai soif... Je souffre, j'ai mal au dos, j'ai mal au cou, ça me gratte ici et vous impuissant devant cette scène. C'ETAIT INSOUTENABLE ! bien pire que la mort. Quand on est mort on ne souffre plus.

Face à cette situation j'ai essayé de faire entendre à l'équipe médicale que maman,  si elle avait eu sa conscience leur aurait hurlé depuis bien longtemps d'arrêter toutes ces souffrances inutiles. Ne sentant pas une grande réceptivité de la part de l'équipe soignante, j'ai même amené son écrit.

Au final, maman n'est morte que 3 jours plus tard, mais  beaucoup trop tard, dans la nuit m'a-t-on dit, étouffée … (j'ai découvert ensuite qu'en fait elle souffrait d'une occlusion intestinale et que si l'on ne voulait pas la laisser boire ou s'alimenter c'était parce que plus rien ne pouvait mécaniquement être absorbé). Maman est donc morte étouffée par le vomissement de ses excréments.

Ces souvenirs m'obsèdent encore ; maman est morte seule et dans des conditions inhumaines, abominables. Je suis passée par des phases de colère, d'abattement, de révolte.
On laisse vivre les vieux très longtemps mais quand il y a un problème, ils ne sont pas prioritaires pour être soignés et c'est bien normal, MAIS ON N A PAS LE DROIT DE LES LAISSER MOURIR AINSI DANS LA SOUFFRANCE

C'est pourquoi avec ces exemples dans la tête et le début de "petits handicaps" me concernant, je ne peux qu'être POUR UNE LOI sur l'EUTHANASIE ou LE SUICIDE ASSISTE.
Je ferai une parenthèse sur les personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer ; même si elles ont manifesté auprès de leurs proches, quand leur état mental n'était pas encore altéré, de leur désir de ne pas subir d'acharnement thérapeutique, elles ne sont plus capables une fois que le moment est là de réitérer leur désir.
IL EST DONC INDISPENSABLE DE REDIGER ses directives anticipées et d'ADHERER à l'ADMD afin que soient enregistrées ces souhaits.

J'ai peur de continuer à vivre tant que cette loi ne sera pas votée par crainte d'avoir à subir et faire subir ce qui s'est passé pour mes parents.
IL FAUT SE BATTRE POUR QUE CETTE DERNIERE ETAPE DE LA VIE NE SOIT PAS UN ENFER POUR CERTAINS.

Danielle BESSON
Adhérente ADMD 87