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Procès de Bernard Pallot, un acquittement exceptionnel

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Communiqué
5 novembre 2024
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Du 28 au 30 octobre 2024, la Cour d’assises de l’Aube devait se prononcer sur la responsabilité de Bernard Pallot, accusé du crime d’assassinat commis sur son épouse à leur domicile, le 11 octobre 2021. Il a, à l’aide d’un câble, étranglé son épouse, sur sa demande puisque souffrante. La Cour acquitte Bernard Pallot. Le procureur général a annoncé faire appel de la décision de la Cour.

Un bref rappel des éléments juridiques.

L’article 221-1 du code pénal définit l’homicide comme « le fait de donner volontairement la mort à autrui constitue un meurtre. Il est puni de trente ans de réclusion criminelle ». L’homicide peut être volontaire ou involontaire (ex : accident de la route). Il est dit volontaire lorsque la mort est donnée de manière intentionnelle et délibérée. La loi distingue deux formes d’homicide volontaire. Le meurtre et l’assassinat. Le critère de distinction est la préméditation. Ainsi, l’homicide volontaire non prémédité est un meurtre. L’homicide volontaire prémédité est un assassinat. À ce titre, la peine maximale est la réclusion criminelle à perpétuité.

Une personne à l’origine d’une des infractions citées doit répondre des conséquences de ses actes. A ce titre, le procès pénal a, entre autres, pour objet la recherche de la responsabilité pénale de l’auteur de l’infraction. Il existe une irresponsabilité pénale toutes les fois où une personne, bien qu’ayant commis une infraction pénale, ne pourra pas être condamnée pour ces faits. Les causes d’irresponsabilité pénale sont prévues aux articles 122-1 à 122-9 du code pénal.

L’article 122-2 du code pénal dispose que « n’est pas pénalement responsable la personne qui a agi sous l’empire d’une force ou d’une contrainte à laquelle elle n’a pu résister. »  La personne ne doit pas avoir été en mesure de résister à la contrainte. L’ensemble de la décision se joue sur la notion de contrainte.

Les débats.

Le 11 octobre 2021, Bernard Pallot a tué sa femme par étranglement à l’aide d’un câble. Il n’y a pas lieu de revenir sur la caractérisation de l’infraction. Bernard Pallot a commis un assassinat.

L’avocat général, ayant requis huit ans de réclusion, estime que Bernard Pallot n’a pas agi sous la contrainte. Le fait que la victime demande à son mari de l’étrangler ne caractérise pas la contrainte dans la mesure où il va de lui-même chercher le câble et lui serre le cou avec. L’avocat général évoque la question de la fin de vie. Il précise, d’une part, à la lumière de l’article 3 de la loi Claeys-Leonetti de 2016, que le pronostic vital de la victime n’était pas engagé. D’autre part, que si la loi devait évoluer, elle ne prévoirait pas ce type de pratique.

L’avocat de Bernard Pallot, en défense, fait un parallèle avec le film « Amour » de Michael Haneke mettant en scène un mari qui, avec un oreiller, étouffe son épouse gravement malade. L’avocat précise que la loi était presque votée avant la dissolution de l’Assemblée nationale et que sans cette dissolution, Bernard Pallot n’aurait pas été jugé, puisqu’il n’aurait jamais été contraint d’étrangler sa femme. Enfin, l’avocat a rappelé que l’épouse avait écrit une lettre et que ses souffrances étaient avérées. Il conclut sa plaidoirie comme suit, « si vous condamnez M. Pallot alors que la loi va changer, vous allez faire de mon client l’un des derniers à être condamné par une cour d’assises pour euthanasie ou suicide assisté. Vous avez le pouvoir de ne pas le faire ».

La psychologue clinicienne, intervenant au procès, brosse un portrait du couple et de Bernard Pallot. Selon elle, le couple est « symbiotique » et replié sur lui-même depuis la retraite. Ils vivaient en vase clos, de manière isolée. Il est observé chez le mari une certaine forme de soumission à sa femme. Bernard Pallot ne pouvait dire non à sa femme. Il était dans un état de dépendance physique à son égard. Il a agi sur la demande de son épouse, persuadé qu’il l’a euthanasiée pour son bien, pour la soulager.

La position de la Cour.

La présidente de la Cour annonce que les jurés ont dit « oui » aux trois questions suivantes :

   -  A-t-il volontairement donné la mort à Suzanne Pallot ? (notion d’homicide)
   -  A-t-il agi avec préméditation ? (notion d’assassinat)
   - A-t-il réalisé un acte sous contrainte ? (notion d’irresponsabilité pénale)

La présidente annonce alors que Bernard Pallot est acquitté.

Ce qu’il faut retenir de cette décision.

L’état de santé de la victime n’a pas d’incidence sur la réalisation de l’infraction. Peu importe que l’époux ou l’épouse soit dans un cas de fin de vie, selon la loi de 2016. Le fait de porter la mort à son époux ou épouse, même sur sa demande, est constitutif d’un assassinat ou, à minima, d’un meurtre.

Le prononcé de l’irresponsabilité pénale de Bernard Pallot n’est pas une irresponsabilité de principe. Pour des faits similaires, la contrainte ne saurait être caractérisée et l’irresponsabilité serait non admise. Dans le cas d’espèce, la contrainte est admise à l’appui de deux principaux éléments. D’une part, le portrait psychologique de Bernard Pallot, montrant un homme soumis à sa femme, qui ne peut rien lui refuser au sein d’un couple qui vit isolé, loin de tout le monde, et persuadé d’agir pour le bien de sa femme sur sa demande. D’autre part, le contexte parlementaire, avec un projet de loi sur la fin de vie dont l’examen par les députés a été annulé par la dissolution.

Il est clair que, dans un contexte politique et un contexte psychologique différents, la solution n’aurait pas été la même. Bernard Pallot aurait été condamné. À noter que le procureur général a fait appel de la décision. Le procès n’est pas fini.

Nous pouvons à ce stade espérer que ce procès alerte le Parlement et le Gouvernement sur l’urgence de rappeler au débat sur la fin de vie.

 

Les juristes médiateurs de la commission juridique de l'ADMD
 

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Justice
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