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Fin de vie. Suicide assisté : avant de mourir, ce Charentais a expliqué son choix - La Charente Libre

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Publié le
25 avril 2023
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Atteint de la maladie de Charcot -incurable- l’Angoumoisin Michel Citron a eu recours au suicide assisté. Il est mort, en Suisse, mercredi dernier. Un mois avant son décès, il a raconté à la Charente Libre pourquoi ce choix s’est imposé à lui.

Le printemps arrive. Il me nargue à travers la fenêtre de ma chambre. Celui-là, je ne le connaîtrai jamais ». Coincé dans son lit, prisonnier de son corps qui le lâche petit à petit, Michel Citron s’abandonne à la mélancolie, ce lundi 20 mars. « Le compte à rebours est lancé. Plus que 29 jours à vivre », lâche-t-il, tremblant d’émotion mais d’une voix claire et posée, sous le regard tendre de Martine, son épouse depuis un demi-siècle.

Cet Angoumoisin de 77 ans, atteint d’une maladie incurable, est décédé mercredi dernier, au petit matin. Dans le silence d’une chambre médicalisée anonyme, en Suisse, il a tourné, lui-même, la petite molette qui a déclenché une injection de 60 milligrammes d’un pentobarbital. Le retraité de Gaz de France -il était agent de sécurité à Rabion- s’est endormi paisiblement, au bout de 15 secondes, entouré de sa femme et de ses deux filles. C’est une sage-femme qui a préparé la perfusion. Cet acte porte un nom : le suicide assisté. Il est illégal en France.

Avant de rendre son dernier souffle, en pleine possession de ses facultés intellectuelles, Michel Citron a accepté de témoigner. Justifier sa volonté de précipiter sa mort. Dire pourquoi, à l’heure où le président de la République a promis de promulguer une loi sur la fin de vie (lire par ailleurs), il est à ses yeux « absolument nécessaire » de proposer une alternative aux malades privés de tout espoir de guérison. « La loi, si elle voit le jour, arrivera trop tard pour moi. Mais si mon histoire peut aider à faire avancer la cause… ».

Sa pathologie s’est déclarée il y a un peu plus de deux ans. « J’ai commencé par boitiller. Et puis, j’ai été atteint de tremblements aux jambes ». Après des mois d’examen, un neurologue de Limoges le reçoit en consultation. « Il me dit d’un ton détaché : « Bon, on va mettre un nom sur votre maladie, ça s’appelle une sclérose bilatérale primaire ». Il me tape sur l’épaule et ajoute : « Ça va aller. Il y a un protocole à suivre. Ça ne vous guérira pas mais ça va diminuer les symptômes »».

«Ces trois mois de plus, je ne les veux pas »

Retour à Angoulême. « En chemin, Martine et moi, on était plutôt rassuré. Et puis, en arrivant à la maison, j’allume l’ordinateur. J’entre le nom qu’il m’a donné. Je vois apparaître « Charcot »». Maladie neurodégénérative. Incurable. Dans tous les cas, les jambes, les bras puis les muscles respiratoires se paralysent les uns après les autres. Espérance de vie : deux à trois ans. « On termine dans d’insupportables souffrances », découvre Michel Citron. Le choc est indescriptible. « Tout s’écroule. Pourquoi ne m’a-t-on pas dit les choses clairement ? Par maladresse ? Pour m’accompagner, on m’a prescrit un traitement qui peut prolonger la vie de trois mois. Mais dans quel état ? Moi, ces trois mois de plus, je ne les veux pas ».

En quelques semaines, le Charentais acquiert une conviction, personnelle, intime. « Une seule solution : l’euthanasie. Ce n’est pas une option. J’estime que je ne peux pas faire autrement. Je ne veux pas finir comme un légume. Je ne veux pas agoniser bêtement. On propose bien la mort à son chien malade. Pourquoi pas à un homme ». Il confie sa décision à son épouse. « Je m’étais préparée à l’accompagner jusqu’au bout. J’ai accueilli cette annonce avec une grande violence, admet Martine Citron. Et puis j’ai compris en le voyant décliner jour après jour. C’est sa volonté. C’est son corps. C’est sa liberté ». L’Angoumoisin contacte l’ADMD pour la Charente (l’Association pour le Droit de Mourir dans la Dignité). Jean-Michel Nivet, le délégué départemental, a conservé le texto reçu un matin d’octobre. « Il m’écrit : « Je recherche de l’aide pour abréger mes souffrances »».

Courageux, moi ? Pas du tout. Je n’ai pas le choix. Et j’ai affreusement peur.

Entre l’euthanasie, proposée en Belgique -c’est un médecin qui réalise le geste fatal- et le suicide assisté, en vigueur en Suisse -c’est le malade qui prend une substance ou appuie sur la pompe qui administre la dose létale- (1) Michel Citron opte pour la deuxième solution. « Pas trop le choix : pour la Belgique, il faut se rendre deux fois sur place avant l’acte. Les déplacements sont devenus presque impossibles pour moi ».

« J’ai demandé à mon corps de me foutre la paix »

Débute alors un parcours du combattant et contre le temps. Le Charentais a besoin d’un diagnostic étayé par des spécialistes pour que son dossier soit validé à Berne. Le rendez-vous avec un neurologue de Girac se passe mal. « Quand je lui ai parlé d’euthanasie, qu’est-ce que j’ai pris. Il me dit, « vous n’avez que quelques mois à vivre ? Et alors. Vous ne marchez plus ? Et alors ! »»

Son généraliste reçoit la nouvelle avec une pointe de scepticisme d’abord, puis beaucoup de bienveillance. « L’autre jour, il est resté longtemps pour m’écouter. Il a fait preuve d’empathie. Je crois que c’est son premier cas ». Michel Citron galère aussi pour obtenir un rendez-vous avec un psychiatre. « C’est obligatoire. Il doit délivrer, un mois avant le jour J, un certificat de pleine conscience cognitive », explique Jean-Michel Nivet qui a fait jouer le réseau ADMD pour débloquer le problème.

En parallèle, le septuagénaire informe ses enfants de la procédure enclenchée. « Avec l’une de mes filles, ergothérapeute, pas de difficulté. Elle m’a dit qu’elle allait m’accompagner. Je pense qu’elle a triché un peu en me disant recevoir l’information avec sérénité. Avec mon autre fille, qui vit dans un milieu hypercatholique, ça a été plus compliqué. Elle s’est effondrée. Pour elle, les soins palliatifs sont suffisants. Je crois qu’elle a fini par accepter ».

À ceux qui, à son chevet, ont salué son courage, Michel Citron a répondu avec humilité et fermeté : « Courageux, moi ? Mais pas du tout. Je n’ai pas le choix. Et j’ai affreusement peur ». De l’évolution de son état de santé depuis le 20 mars, des détails de son voyage sans retour en Suisse la semaine dernière (il était accompagné de sa femme, de ses filles et de deux chauffeurs : un voisin et Jean-Michel Nivet), on ne saura pas grand-chose. Une fois son témoignage livré comme on adresse une lettre ouverte aux rétifs à l’euthanasie, le Charentais a réservé aux siens ses ultimes réflexions, ses états d’âme et ses peines. Il a juste émis un souhait, une dernière volonté, pour les 29 derniers jours de sa vie. « J’ai demandé à mon corps de me foutre la paix ».

Une loi « d’ici la fin de l’été »

Cette interview de Michel Citron, enfant du Pays basque, installé en Charente depuis plus de cinquante ans, a été réalisée le 20 mars dernier, chez lui, à Angoulême. Un mois avant son départ pour la Suisse où il a donc mis fin à ses jours en ayant recours au suicide assisté, légal dans ce pays. L’entretien s’est déroulé deux semaines avant l’annonce officielle des conclusions de la Convention citoyenne, initiée par le Président de la République pour formuler des propositions sur la fin de vie. Cette convention, composée et réalisée par 184 Français, appelle à « des changements profonds » pour permettre un meilleur accompagnement des patients en fin de vie et ouvre la porte à une forme d’aide active à mourir (suicide assisté et/ou euthanasie).

L’encre du rapport de la convention était à peine sèche qu’Emmanuel Macron a annoncé, le 3 avril, un projet de loi sur la fin de vie « d’ici la fin de l’été 2023 ». Michel Citron n’aurait sans doute pas pu bénéficier des effets d’une éventuelle loi au regard des incertitudes de son contenu -le Chef de l’État a parlé d’un « modèle français »-, des délais de sa promulgation et de l’évolution de sa maladie. Il avait formulé un souhait avant de se confier à la Charente Libre : que son témoignage soit publié après sa mort. « Je veux passer les derniers moments de ma vie sans que moi, ma femme ou mes enfants subissions de pressions des opposants à l’euthanasie ». Requête évidemment acceptée.

(1) Le suicide assisté est légal en Suisse comme en Autriche et dans quelques États américains. L’euthanasie a cours dans les pays du Benelux, en Espagne, au Canada, en Nouvelle-Zélande et dans certains États australiens.

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