Les enfants avaient tenté d'aider leur mère à mourir : les deux accusés acquittés par la cour d'assises du Calvados - France Bleu
La femme aujourd'hui âgée de 83 ans est dans un état de dépendance totale après deux AVC. La cour les a jugés coupables, mais pas responsables car ils ont agi selon elle sous la contrainte.
Le 2 décembre 2017 à Bayeux (Calvados), l'aînée d'une fratrie de cinq et son plus jeune frère avaient cédé face aux demandes incessantes de leur mère et lui avait administré une dose massive de somnifères. La femme, lourdement handicapée et dans un état de dépendance totale après deux AVC, a survécu. Elle est aujourd’hui âgée de 83 ans. Ses deux enfants ont toujours reconnu les faits et expliqué avoir agi par détresse et amour pour elle. Ils ont été acquittés par la cour d'assises du Calvados qui a estimé qu'ils avaient agi sous la contrainte.
"Ne cédez pas à la tentation de les acquitter"
L’avocate générale ne voulait pas que les jurés se laissent submerger par l’émotion. Sophie Paillocher l'a dit et répété. Il n'y a certes pas de partie civile dans ce dossier particulier, "mais au nom de la société, il faut punir le crime qui a été commis. Ce qui leur est reproché, accuse-t-elle, c’est d’avoir tenté de briser "un interdit fondamental de notre société", le premier tabou à l’origine du 1er commandement « tu ne tueras point », crime puni par la peine la plus lourde en droit français."
Elle avait requis deux ans de prison avec sursis. "Même si le contexte est particulier et que c’est un sujet qui nous touche tous, il existe un cadre légal : la loi Léonetti". Elle avait demandé très solennellement aux jurés de ne pas céder à la tentation de les acquitter. "Une décision qui serait fondée sur l’émotion et non sur le droit, un mauvais message envoyé au peuple français".
"Ce ne sont ni des meurtriers ni des assassins, ils ont agi par amour"
Pour l’avocat de la défense, Cédric Moisan, la loi Léonetti condamne cette mère à une vie de souffrance. "Mais ce n’est pas à cette cour d’assises de répondre au débat public sur l’euthanasie, ce dossier c’est leur dossier" rappelle-t-il. "Ils étaient les plus proches de leur mère, éprouvent pour elle des sentiments presque hors de proportion, amour fou, adoration disent les experts". Et elle sait qu’elle peut leur demander à eux, ce qu’elle ne peut pas demander à ses autres enfants.
"Ce ne sont pas des meurtriers, pas des assassins. Ils ont agi par amour. Et ça fait mal de les voir ici devant une cour d’assises. Si la société française n’était composée que de gens comme eux, conclut-il, il n’y aurait plus besoin de loi pénale".
L'acquittement au bout de 2h30 de délibéré
Après en avoir délibéré, la cour et les jurés les ont reconnus coupables mais pas responsables. "Dans cette famille éprouvée par la souffrance de la mère depuis de nombreuses années, ils étaient les enfants les plus présents et les plus disponibles, explique la cour dans la feuille de motivation. Eux-mêmes en grande souffrance face à la détresse de leur mère, ils ont agi sous la contrainte morale de ses injonctions répétées et de leur sentiment d’impuissance absolue pour répondre autrement à sa douleur".
Après l’énoncé du verdict, le fils a confié son soulagement. "On a agi par désespoir avec ma sœur. Et si ce procès peut aider d’autres personnes qui sont dans notre situation, si ça peut faire avancer les choses, eh bien tout cela n’aura pas été pour rien".
Ecoutez l’émotion de son fils, quelques minutes après l’énoncé du verdict. Il a accepté de témoigner au micro de France Bleu Normandie.