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Fin de vie : "J'ai adhéré à l'ADMD car j'espère une révolution en France pour qu'on meure enfin tous égaux en droits..."

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Publié le
29 juin 2022
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J'ai adhéré à l'association car j'ai perdu mon père il y a cinq ans dans des circonstances effrayantes, et depuis, je suis poursuivie par l'idée que mes propres enfants pourraient avoir à vivre le même traumatisme à mon décès, si rien n'était fait d'ici-là pour améliorer les conditions de fin de vie en France. Je suis hantée à l'idée que d'autres gens, tous les jours, meurent encore comme cela, sans soins palliatifs efficaces, et que cela devienne la norme car par définition, les morts ne peuvent se plaindre de la manière dont les vivants les ont honteusement laissés partir : dans l'indifférence et l'inhumanité générales!
 
Je suis également hantée par le souvenir terrible de ce mort-vivant qui s'agrippait à mes bras, à ceux de ma mère et à ceux de tous ces proches effarés; le souvenir de mon père hurlant sa douleur, sa peur et et sa soif pendant six jours dans la nuit d'une chambre obscure, qui n'était pas la sienne et qu'il n'avait pas choisie... La gangrène, c'est douloureux, tout le corps médical le sait... Alors de la part d'un hôpital, adresser ce patient à un EHPAD inconnu de lui, sans prévenir qu'il était en fin de vie, la veille du week-end de la Pentecôte, c'était très condamnable... ça l'a d'ailleurs été, au terme d'une longue et éprouvante bataille judiciaire qui s'est achevée il y a peu.
 
Un autre motif d'adhésion, c'est la question du diagnostic de la douleur chez les patients atteints de démence, dont la parole est bien souvent discréditée d'emblée par un corps médical qui n'a tout simplement pas le temps de recueillir une vraie évaluation de leurs souffrances. Dans le cas de mon père nonagénaire, qui avait certes des pertes de mémoire et d'orientation, mais qui n'avait jamais crié au secours hors de propos, cela a donné lieu à une cruelle confession de la cadre de santé de l'EHPAD où il est mort, lors d'une rencontre peu après le décès: "Quand il criait au secours, on ne l'a pas cru, car ce n'était pas l'un de nos résidents (...) On aurait dû vous faire davantage confiance quand vous nous disiez qu'il souffrait.". Mais il y avait le mot "Alzheimer" inscrit sur son dossier : une caution facile pour négliger un bon diagnostic qui aurait pris plus de temps, donc coûté plus d'argent... Ce mot d'ailleurs n'avait pas été écrit par sa neurologue, qui elle avait diagnostiqué une "démence vasculaire", maladie sans doute jugée trop peu visible sur un dossier: ajouter "Alzheimer" à l'entrée à l'hôpital d'un patient, c'est se donner carte blanche pour une absence de diagnostic obtenu par la parole. C'est nier d'emblée l'humanité du patient.
 
Enfin, j'ai adhéré à l'association car j'espère une révolution en France pour qu'on meure enfin tous égaux en droits: le système fondé sur les Unités Mobiles de Soins Palliatifs, dont on vante les mérites alors qu'elles n'ont en réalité aucune vocation à prescrire, condamne des milliers de gens à mourir en appelant au secours, sans bénéficier du secours d'aucun médecin à son chevet, puisqu'elles mettent en général une semaine à se déplacer auprès du mourant - qui comme dans le cas de mon père, est parfois déjà mort ...
 
Papa avait plaisanté en disant qu'il mourait comme Louis XIV... Personnellement, quand je pense à sa mort, c'est plutôt le Moyen-Âge qui me vient à l'esprit... Sortons-en !
 
Lucie Dubois

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