La Cour européenne des droits de l’Homme valide les principes de la dépénalisation de l’euthanasie
L’arrêt du 4 octobre 2002 de la CEDH dans l’affaire qui opposait Tom Mortier à l’Etat belge était fort attendu. C’était la première fois que la CEDH avait à se prononcer sur l’euthanasie. Une décision négative aurait eu un impact bien au-delà de la Belgique. Certes, dans divers arrêts concernant la fin de la vie, la CEDH avait eu l’occasion d’affirmer que « le droit pour une personne de choisir la manière et le moment de la fin de sa vie, pourvu qu’elle soit en mesure de former librement sa volonté à ce propos et d’agir en conséquence, est l’un des aspects du droit au respect de sa vie privée au sens de l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme » (voir aff. Pretty et Haas).
La loi de dépénalisation de l’euthanasie, en ses principes fondamentaux, ne viole ni l’article 2, ni l’article 8 de la CEDH
La CEDH conclut qu’il n’y a violation ni de l’article 2, ni de l’article 8 de la CEDH tant en ce qui concerne le cadre de la loi relative à l’euthanasie que son application au cas d’espèce. Ceci est fondamental : la dépénalisation de l’euthanasie sous conditions telle que prévue par la loi du 28 mai 2002 relative à l’euthanasie est, aux yeux de la CEDH, compatible avec les droits de l’homme.
Réserve quant au contrôle
La CEDH cependant formule une réserve quant au contrôle de la loi. N’est pas remis en question le principe du contrôle a posteriori, pas plus que la composition de la Commission fédérale de contrôle et d’évaluation de la loi relative à l’euthanasie. Autrement dit, la présence de médecins qui pratiquent l’euthanasie n’est pas critiquée, bien au contraire. La Cour note que la présence de « docteurs en médecine, de professeurs de droit ainsi que de professionnels issus de milieux chargés de la problématique de patients atteints d’une maladie incurable » constitue « un gage en termes de connaissances et de pratiques multidisciplinaires ».
La critique porte sur l’apparence de non indépendance. Pour rappel, la loi prévoit que « Lorsque la levée de l'anonymat fait apparaître des faits ou des circonstances susceptibles d'affecter l'indépendance ou l'impartialité du jugement d'un membre de la commission, ce membre se récusera ou pourra être récusé pour l'examen de cette affaire par la commission ». La CEDH considère que l’on ne peut laisser à la seule discrétion du membre concerné de garder le silence.
Pour répondre à la critique de la CEDH, une réforme de la loi est nécessaire. Il s’agirait de supprimer l’anonymat et de permettre aux membres de la Commission de prendre connaissance du volet contenant les coordonnées des parties intervenantes, volet qui aujourd’hui ne peut être ouvert qu’après un vote à la majorité des membres, cas par cas.
Gardons l’essentiel de cet arrêt : comme l’avait déjà affirmé le Conseil d’Etat en son avis du 2 juillet 2001, la Cour d’Arbitrage et à sa suite, la Cour Constitutionnelle à l’occasion des divers recours introduits contre la loi du 28 mai 2002 relative à l’euthanasie et ses modifications, la dépénalisation de l’euthanasie sous conditions est parfaitement compatible avec la Convention européenne des droits de l’homme.
Et demain, reste à franchir une nouvelle étape : inscrire dans les droits de l’homme le droit à mourir dans la dignité.
Jacqueline Herremans
Présidente de l’Association pour le droit de mourir dans la dignité