"Je vis dignement et je veux mourir dans la dignité..."
Je vis dignement et je veux mourir dignement. Mourir dignement signifie que je refuse de souffrir tant physiquement que psychiquement et que je veux maîtriser les conditions de ma propre fin de vie.
Dans notre pays démocratique, seule une loi républicaine assurera les bonnes pratiques ainsi que l’égalité entre chaque citoyen, sans considération de sa fortune personnelle qui lui permettrait de se rendre en Suisse ou de ses relations qui lui feraient bénéficier du coup de pouce d’un médecin plus compatissant et plus audacieux que les autres. Le cas échéant, il sera possible de m'assurer une fin de vie digne en écoutant mes demandes et ne parlant pas en mon nom. La dignité du mourant est de rester un citoyen libre et responsable jusqu’au bout.
Aux détracteurs du droit de mourir dans la dignité, je rappellerai que la dignité des individus est de respecter autrui et de ne pas lui imposer ses vues. C’est une question de principe et de droit. J'imagine la situation d’une personne dans la phase finale d’une maladie grave, devenue complètement dépendante et arrivée à un état insupportable de déchéance physique ou mentale. Si ma qualité de vie n’est plus honorable j'ai le droit de mourir dans la dignité. Le recours à la notion de dignité dans les questions soulevées par la fin de vie est étroitement lié à l'état physique et psychologique dans lequel se trouve une personne.
En effet, la dignité s'oppose à la déchéance tant physique que morale, mais aussi, par extension, à la souffrance intolérable et à la dégradation de la conscience. De plus, mon sentiment de perte de dignité est renforcé par l'image qu'en mourant je pourrais renvoyer à mon entourage car je ne conçois pas de cesser de correspondre à la représentation que je me fais de l'être humain. Le mourant ne doit pas devenir un objet mais rester une personne humaine. Je n'ose pas imaginer que des qualificatifs tels que déchet, épave ou encore légume soient employés pour moi. La dignité se perd par la déchéance, la dégradation, la souffrance et la dépendance. A mon avis, une position « courageuse » est de préférer la mort dans la dignité plutôt que dans une vie indigne.
Je recommande une visite à un « mouroir » (maison de retraite) à tous ceux qui ne veulent pas entrer dans la vieillesse à reculons. Je leur garantis une insulte à leur dignité. Pour les esprits obtus, les gens ne se suicident pas et se soignent avec acharnement aussi longtemps qu’ils le peuvent. Je souligne que le poison n’est pas facilement accessible et que se jeter sous un train ou par la fenêtre exige une force physique et mentale que le vieillard ne possède plus. Aujourd’hui, la personne âgée, diminuée ou souffrante n’a pour seule perspective qu’une aggravation de son état entraînant la mort surtout si elle ne dispose que de petits revenus, ce qui est le cas pour la très grande majorité.
Je comprends ceux qui souffrent et qui veulent mettre un terme à la douleur intense qui n’en finit jamais mais que leur handicap les empêche de mettre fin à leurs jours. Pourquoi me punir après une vie productive. Si je ne peux plus vivre dignement pourquoi ne pas me permettre de mourir dans la dignité...
Jean Jubien