Scission du texte sur la fin de vie : le mauvais coup de François Bayrou !

François Bayrou a tranché : le texte de loi relatif à l’accompagnement des malades et de la fin de vie a été scindé en deux textes distincts :
- Les soins palliatifs et d’accompagnement, d’une part ;
- L’aide à mourir, d’autre part.
Dans une procédure très inhabituelle, une même discussion générale se tiendra le lundi 12 mai 2025, à l’Assemblée nationale. Elle expliquera pourquoi le choix s’est porté sur deux textes (les Français aimeraient effectivement comprendre !) et les dispositifs contenus dans chacun de ces deux textes. Ensuite, à compter du même lundi 12 mai débutera la discussion par article sur les soins palliatifs et d’accompagnement. La semaine suivante, le lundi 19 mai, débutera la discussion par article sur l’aide à mourir. Le Premier ministre a indiqué que ces deux textes feraient ensuite l’objet d’un vote solennel distinct, mais le même jour. Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ! Si l’idée est bien celle de faire voter en même temps ces deux dispositifs pour le même accompagnement fraternel des personnes en fin de vie, pourquoi cette complexité ?
Écueil
Si la date de la discussion générale (le 12 mai) et les dates des discussions par article (12 mai pour le premier texte, 19 mai pour le second texte) semblent fixées, rien n’assure que les deux textes, de longueur différente, de technicité différente, seront traités dans le même temps (une semaine). L’obstruction parlementaire de la part de certains députés, concernant le texte sur l’aide à mourir, pourra aussi retarder les travaux. Que se passera-t-il alors ? Les deux votes solennels pourront-ils encore intervenir le même jour ? Ou bien le texte sur les soins palliatifs sera-t-il d’abord mis au vote quand celui sur l’aide à mourir sera reporté ? La belle mécanique (sur le papier) sera grippée, le destin de ces deux textes sera totalement dissocié.
Et ensuite
À supposer que les votes solennels sur ces deux textes interviennent finalement (avant une nouvelle dissolution, notamment), les propositions de loi devront ensuite être transmises au Sénat dans le cadre de la navette parlementaire. Rien n’obligera alors le président du Sénat d’inscrire les deux textes en même temps et de suivre la même procédure inhabituelle que celle mise en œuvre à l’Assemblée nationale. La Conférence des Présidents de la Chambre Haute (le Sénat) pourra inscrire le texte sur les soins palliatifs assez rapidement et reporter aux calendes grecques le texte sur l’aide à mourir. Ce sera son droit, notamment en vertu de la séparation entre l’exécutif et le législatif. Et encore une fois, la loi de liberté tant attendue par les Français sera mise de côté.
Que penser de tout cela ?
En scindant le texte en deux, François Bayrou a voulu contenter les opposants à l’aide active à mourir qui n’acceptent pas que soins palliatifs et aide à mourir soient compatibles et complémentaires. Il aurait pu rejeter purement et simplement le texte sur l’aide à mourir, mais la présidente de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet (favorable à la légalisation de l’aide active à mourir) lui en aurait fait le reproche. Et le président de la République, qui a évoqué la question de l’organisation d’un référendum pour enfin donner à la France une loi de liberté en fin de vie, se serait saisi du sujet et aurait bénéficié, aux yeux des Français, des conséquences positives d’une telle légalisation. Gageons que François Bayrou n’a pas eu envie de lui faire ce cadeau.
Un enterrement de première classe
Le risque de cette manœuvre est donc que, à l’issue d’une telle procédure à l’Assemblée nationale, le texte sur l’aide à mourir soit enterré alors que le texte sur les soins palliatifs ira au bout du long processus parlementaire.
Un véritable déni de démocratie
Ce refus de poursuivre les travaux entamés au printemps 2024 avec la discussion d’un seul et même projet de loi relatif à l’accompagnement des malades et de la fin de vie s’apparente, pour l’ADMD, à un déni de démocratie.
Les Français attendent depuis des décennies cette loi de liberté, les députés y sont majoritairement favorables. Mais pour satisfaire ses convictions personnelles sur la vie (François Bayrou n’a-t-il pas déclaré publiquement, en février 2025, qu’il pensait que la mort n’existe pas ?), le Premier ministre a imaginé cette manœuvre dilatoire, pour la plus grande satisfaction des représentants des cultes et des vieux barons de la médecine qui manient plus facilement le paternalisme condescendant que la fraternité et la compassion.
Philippe Lohéac
Délégué général de l’ADMD



