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Fin de vie : cessons d’instrumentaliser la parole soignante - Libération

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Publié le
29 octobre 2024
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Depuis que Michel Barnier a relancé le débat sur la fin de vie, beaucoup cherchent à faire culpabiliser les soignants. Mais quand la demande vient du malade, c’est bien le rôle du soignant de ne pas l’abandonner, estime le collectif «Pour un accompagnement soignant solidaire».
Il en va ainsi des éléments de langage repris ad nauseam et assimilant l’aide à mourir à un meurtre avec préméditation. Il qualifie ainsi d’assassin, voire de bourreau, tout soignant prêt à accompagner ces demandes, avec pour slogan phare : «La main qui soigne ne peut pas être la main qui tue.»

Promesse de non-abandon

Si, par mégarde, un soignant considérait qu’il fait preuve de fraternité dans cet ultime acte de soins, il lui est alors opposé qu’il jouit d’une toute-puissance médicale pour faire taire le souffrant que l’on ne peut apaiser, et qu’il est incapable d’accepter ses limites. Mais que faire de cette promesse de non-abandon, quand la vie n’est plus que souffrance et que la demande qui lui est faite est bien celle de soulager des souffrances que rien ne peut apaiser, et que l’Académie nationale de médecine nous intime de reconnaître.
Autre argument avancé, tout aussi culpabilisant, celui de la rupture de confiance quand la personne malade en viendrait à craindre pour sa vie dès lors que le médecin serait autorisé à le «tuer». Faut-il rappeler que la demande d’aide à mourir émane bien de la personne malade mais ne saurait être une possibilité offerte au médecin d’exercer un pouvoir de vie ou de mort dès lors qu’il considérerait une vie inutile ou indigne.

Vient enfin le couperet final ôtant à quiconque souhaiterait s’engager toute volonté de le faire. Seuls les professionnels de soins palliatifs, dont la mort est le quotidien, seraient légitimes pour témoigner que ce n’est pas d’une loi dont on a besoin mais de moyens. Les demandes d’aide à mourir seraient ainsi emblématiques d’un système de soins qui s’effondre, d’une société ultralibérale prônant la performance et méprisant la vulnérabilité, d’un individualisme forcené où le mourant serait abandonné dans une extrême solitude.
Impuissants face aux souffrances

S’il est vrai que le système de santé est en crise, réduire les demandes d’aide à mourir à une insuffisance de moyens serait là l’expression d’une toute-puissance médicale. Médecins et professionnels de santé en ville ou à l’hôpital, hors filière palliative, qui accompagnent l’immense majorité des fins de vie peuvent témoigner de ces situations de plus en plus complexes liées en partie au vieillissement de la population et à l’essor des maladies neurodégénératives modifiant les parcours de fin de vie. Si l’on considère la perte d’autonomie et la souffrance existentielle qui lui est associée comme étant la principale motivation des demandes d’aide à mourir, il serait extrêmement réducteur et culpabilisant d’invoquer un manque de moyens quand les proches comme les professionnels de santé se retrouvent impuissants
face à de telles souffrances.

Cessons donc d’instrumentaliser la parole soignante et de la soumettre à une pensée unique. Laissons de côté les postures pour que l’accompagnement de la fin de vie soit le plus respectueux possible des volontés de la personne malade et du soignant qui souhaiterait s’engager à ses côtés.

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