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La lettre de Loïc Resibois, atteint de la maladie de Charcot, pour le droit de mourir dans la dignité

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Communiqué
5 décembre 2023
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Je m’appelle Loïc Resibois, j’ai 46 ans, je suis marié et père de 2 enfants âgés de 17 et 21 ans. J’ai consulté une neurologue le 8 mai 2020, à la suite d’un simple tremblement de la main gauche… presque en rigolant… et sur l’insistance de mon épouse.

Juste pour vous planter le décor : je n’ai jamais fumé, je ne bois pas d’alcool, j’étais extrêmement sportif et je n’avais jamais eu de souci de santé. J’étais dans la force de l’âge, ma vie professionnelle était épanouie, j’avais des projets plein la tête et la vie devant moi.

Mais en 2 ans, mes symptômes sont passés d’un simple tremblement à une atrophie progressive des muscles des membres supérieurs que je ne peux aujourd’hui presque plus bouger. Le diagnostic de la maladie de Charcot est tombé au mois de septembre 2022, après plus de 2 années d’explorations médicales et de traitements divers et variés.

Depuis le début de l’année 2023, la maladie s’est attaquée à mes jambes. Après plusieurs chutes, je me suis résolu à passer au déambulateur et depuis quelques semaines, je me déplace en fauteuil roulant.

Pour rappel, chaque jour en France, 5 personnes sont diagnostiquées malades de Charcot et 5 personnes meurent quotidiennement de cette maladie qui éteint vos muscles les uns après les autres en vous paralysant chaque jour un peu plus, au point de finir cloué dans un lit sans pouvoir bouger, parler, manger, ni même, pour finir, respirer.

Contrairement à d’autres maladies neurodégénératives, vos capacités cognitives ne sont pas touchées, vous permettant ainsi de profiter pleinement de votre propre déchéance. À titre personnel et comme de nombreux malades, je ne me sens pas capable de supporter l’évolution de cette maladie jusqu’au bout.

Évidemment nous les malades, ce que nous voulons avant tout, c’est vivre, profiter du temps qu’il nous reste, de la vie, de nos proches. Mais autoriser une personne atteinte d’une maladie grave et incurable, à pouvoir, si elle juge sa souffrance physique ou psychique insupportable, bénéficier d’une aide active à mourir, ce n’est pas simplement lui garantir une mort rapide et sans souffrance au moment voulu, c’est aussi par voie de conséquence, lui permettre de vivre sa fin de vie avec sérénité.

Et la loi Claeys-Leonetti de 2016, me direz-vous ?

Elle constitue une avancée importante pour la qualité de soin des malades en fin de vie. Cependant, les soins palliatifs aussi adaptés soient-ils pour les personnes dont la mort est imminente, sont inadaptés dans les autres cas, comme le mien, et celui de milliers de personnes atteintes de maladies graves et incurables (9000 personnes en France, rien que pour Charcot). Si demain, je décidais de refuser la trachéotomie ou la gastrostomie et que je rejoignais les soins palliatifs, ma sédation profonde et continue pourrait durer des semaines et je finirais par mourir, non pas de la SLA, mais d’une embolie pulmonaire, de sous-nutrition et de déshydratation entraînant une insuffisance rénale sévère. Quel intérêt d’imposer aux malades une agonie aussi longue ?

Je ne remets pas en cause la qualité et l’humanité du personnel des soins palliatifs qu’il convient de généraliser afin de mieux lutter contre la douleur en fin de vie, mais le système de la sédation profonde et continue n’est pas fait dans l’intérêt du confort des malades, mais pour le confort psychologique des soignants qui n’ont pas l’impression de donner la mort. Selon moi, l’aide active à mourir n’est rien d’autre qu’un soin ultime que certains soignants pourront toujours refuser en invoquant leur clause de conscience.

En France finalement, en matière de fin de vie, on traite mieux nos animaux de compagnie, qui peuvent partir rapidement et sans souffrance, que nos semblables. Quelle situation ubuesque !

Le président de la République s’était engagé, devant les membres de la Convention citoyenne sur la fin de vie, à bâtir un projet de loi d’ici à la fin de l’été 2023. Son report condamne des milliers de Français déjà condamnés à vivre leur fin de vie dans l’angoisse d’une agonie inutile. A quoi bon servait d’organiser une Convention citoyenne sur la fin de vie dont 76 % des membres se sont prononcés pour l’instauration d’une aide active à mourir si c’était pour in fine ne pas décider et tergiverser encore et encore ? Ce projet de loi tant attendu par les Français ne doit plus être différé.

Pour ma part, j’ai décidé de mourir en France et si la loi ne passe pas à temps, je serai contraint de prendre mes dispositions. Mon sort, comme celui de milliers de Français est aujourd’hui entre vos mains, celles du président de la République et de son Gouvernement.

Depuis des mois, les Français assistent, dépités, à des débats dans l’Hémicycle trop souvent indignes, où la politique a été remplacée par la « politweet ».
La question de la fin de vie relève de l’intime et mérite d’être débattue sans obstruction stérile et positionnement partisan. Je vous enjoins donc à examiner avec empathie et humanisme ce projet de loi qui, demain je l’espère, permettra aux malades français atteints de maladies graves et incurables de disposer de leur fin de vie.

Ressources téléchargeables
La lettre de Loïc Resibois aux parlementaires
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